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Pour les chemins de fer, la question se complique : il ne s’y agit pas seulement de fabriquer des produits ; sous ce rapport, leurs ateliers ne diffèrent en rien de ceux de l’industrie ; il s’agit surtout de faire marcher des trains, et là le problème se double d’une question prépondérante, la sécurité, qui repose en grande partie, cela n’est pas douteux, entre les mains d’un personnel qui doit, à tout prix, rester dispos et alerte.

Devant la sécurité, tout doit s’effacer ; sur ce point, il ne saurait y avoir ni désaccord ni discussion.

Peut-on supposer sérieusement que ceux qui ont l’honneur et la responsabilité, parfois un peu pesante, de diriger nos grandes compagnies de chemins de fer, auxquels on veut bien accorder quelque intelligence, n’aient pas en même temps le cœur assez haut placé pour le comprendre ; qu’ils soient à ce point absorbés et aveuglés par le souci d’augmenter ou de maintenir les dividendes de leurs actionnaires, qu’ils oublient et négligent les considérations du devoir le plus haut, de l’humanité, vis-à-vis de leurs collaborateurs de tous les jours, vis-à-vis du public ? Sans doute, malgré toutes les précautions prises, des accidens toujours trop nombreux sont survenus, dans lesquels on ne fait pas assez la part de l’irrémédiable fragilité de notre nature et qu’on ne manque pas d’attribuer à l’excès de fatigue des agens d’exécution, à leur surmenage. Mais, si les dépenses d’exploitation des Compagnies vont depuis quelques années en croissant rapidement, n’est-ce pas la meilleure preuve de leurs constans efforts pour diminuer la fatigue de leur personnel, régulariser et faciliter son travail ?

Le surmenage, je le répète, il le faut éviter à tout prix ; mais, d’accord sur le principe et le but, il s’en faut que nous le soyons sur l’utilité, la mesure ou la portée des moyens proposés à la Chambre des députés dans sa séance du 14 novembre dernier.

Ce n’est pas la première fois que les représentans des pouvoirs publics se sont préoccupés de ce grave problème et ont voulu protéger l’intérêt général dont ils ont la tutelle, contre des exagérations, toujours possibles malgré tout, de l’intérêt privé.

MM. Yves Guyot, Viette, Jonnart, dans leur passage au ministère des Travaux publics, l’ont fait par des réglementations successives, la dernière, du 4 mai 1894. La Chambre a pensé