Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

montraient aux peuples la face rose et souriante d’une religion nouvelle, et, par les prédications et surtout par les collèges, préparaient les générations à venir.

Ferdinand étant à eux, ils étaient à lui. Ce fut une belle lutte que celle qu’ils engagèrent ensemble, sous la direction de Rome, pour le salut de l’Allemagne. La mémoire du grand empereur catholique en réclame l’honneur et en porte la responsabilité : « Les Habsbourg, dit un écrivain protestant, visaient à faire, de l’Empire, leur chose. Ferdinand II, dans son fanatisme, brocha sur le tout : le fauteur moral de la guerre, c’est lui. »

L’empereur Mathias ne l’aimait pas. Cependant, bon gré mal gré, il avait dû, dès le mois de juin 1617, le proposer comme héritier présomptif et comme roi à la Diète de Bohême, et Ferdinand avait été couronné en cette qualité. On avait pris une précaution analogue pour le royaume de Hongrie et le même Ferdinand avait été élu roi par les États rassemblés à Presbourg, le 16 mai 1618. Par lui-même, l’archiduc était souverain de la Styrie, de la Carniole et de la Carinthie ; l’Autriche devait lui revenir par héritage à la mort de Mathias. Ainsi la réunion de tous les États de la maison de Habsbourg avait été refaite, pour ainsi dire, entre ses mains, avant même que la vacance se produisît. Mais il n’était pas élu roi des Romains. Mathias étant mort, il lui restait à obtenir l’Empire.

D’après la Constitution et la fameuse Bulle d’Or, l’Empereur était nommé, à la majorité, par le collège des sept princes électeurs : trois ecclésiastiques, les archevêques de Mayence, de Cologne, et de Trêves, et quatre laïcs : le comte palatin du Rhin, le duc de Saxe, le margrave de Brandebourg, et le roi de Bohême. En 1619, de ces sept électeurs, les trois ecclésiastiques étaient, naturellement, catholiques ; des laïcs, trois étaient protestans ; c’étaient le Palatin, le duc de Saxe et le margrave de Brandebourg. On peut donc dire qu’au point de vue religieux, le roi de Bohême était maître de l’élection. Or, quoique Ferdinand eût été élu et couronné roi de Bohème, le 19 juin 1617, à Prague, dans les formes accoutumées, son élection était contestée par les protestans de Bohême, qui formaient, dans le royaume, un parti redoutable. Ils avaient donné la mesure de leur énergie par la fameuse Défenestration de Prague du 23 mai 1618, et avaient ainsi engagé les hostilités qui devaient, pendant trente ans, ensanglanter l’Allemagne.