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synthétiques d’autrefois, en abolissant leur différenciation, certes il devient plus difficile d’appliquer la méthode de concrétisme et « d’hypostase » et de suivre la vie d’un genre et d’en écrire la biographie.

Cependant, pour qui a adopté la méthode, il faut essayer de la suivre, et celui-là est peu autorisé à l’abandonner quand elle le gêne au lieu de le soutenir. Dieu me garde de croire qu’un genre est un être vivant, un être concret ; mais ce n’est pas seulement pour moi une métaphore ou une abstraction. Un genre n’est ni un être concret ni une abstraction ; il y a un milieu : c’est un être collectif. Un genre littéraire est une tendance universelle de l’esprit humain. Les hommes aiment à conter, à enseigner, à gémir, à rire, à représenter fictivement des actes de la vie humaine. Voilà des tendances qui, aux mains des artistes, deviennent des genres littéraires. Mais, en devenant des genres, ils restent des tendances et, comme tendances de l’humanité, ils sont parfaitement des êtres collectifs. Ils couvrent et ils expriment des groupes humains qui ont tendance à rire, à gémir, à conter, à enseigner ou à jouer. Sous eux ou derrière eux, en eux pour ainsi dire, il y a des groupes ou même des foules qui entretiennent et nourrissent ces genres littéraires par le plaisir qu’ils ont à le cultiver ou à écouler avec applaudissement et communion d’esprit ceux qui le cultivent. Dès lors, ce genre, c’est bien un être collectif, puisque, à travers lui et en lui, vous pouvez observer et comme compter des êtres qui vivent et qui sentent. La décadence d’un genre littéraire, c’est le déclin d’une tendance générale, d’une disposition générale des esprits ; et, par conséquent, considérer ce genre comme un être, ce n’est nullement se tromper, puisqu’il est représentatif d’une collection d’êtres qui avaient cette tendance et qui ne l’ont plus. Dire : le genre lyrique se meurt après avoir été vigoureux, ce n’est point faire une métaphore, ni un mythe, ni une hypostase, ni du « réalisme ; » c’est dire : en ce peuple, il y avait des hommes de tempérament lyrique, et il n’y en a plus, et ces êtres (comme une société) peuvent très bien être considérés comme un seul être qui naît, vit, croit, décline et disparaît. Dire, — subdivision des genres : — le genre lyrique s’est partagé en genre élégiaque et en genre dithyrambique, c’est dire : dans ce peuple il y a sans doute autant d’hommes de tempérament lyrique, mais il y en a qui ont des tendances à l’exaltation patriotique et religieuse et d’autres à