Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 7.djvu/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses escadres de l’Atlantique et celles du Grand Océan, l’isoler même de l’Amérique du Sud, autre champ où il est naturel qu’elle cherche à exercer, sinon le quasi-protectorat auquel elle prétend, du moins une sérieuse influence. Le but qu’elle s’assigne ainsi n’est-il pas admirablement rempli par la possession de Cuba et de Porto-Rico, d’une part et, de l’autre, par celle des îles Hawaï, de Guam, des îles Mariannes et des Philippines, qui forment une route d’étapes, terminée par une grande place d’armes aux portes de la Chine et flanquée d’un côté par l’Alaska et les îles Aloutiennes, de l’autre par la plus récente des acquisitions américaines, les îles Samoa ? Quant à l’administration des Antilles et des Philippines, si les Américains n’ont pas fait leurs preuves en ce qui concerne le gouvernement de peuples d’autre origine, ne les ont-ils pas faites mieux que personne autre en ce qui concerne la mise en valeur de pays neufs, et leur expérience économique ne compense-t-elle pas pour une bonne part leur inexpérience politique ?

Nous venons d’exposer les deux thèses en présence. La question qui se pose aujourd’hui aux Américains s’est posée plus d’une fois dans l’histoire à d’autres peuples. Elle s’est dressée devant les Romains, le jour où la lutte avec Cartilage les a entraînés hors de l’Italie : il y a eu, alors aussi, des impérialistes et des anti-impérialistes. Il est naturel qu’à une pareille crise de la vie d’une nation, certains hommes jugent qu’elle ne doit pas arrêter d’elle-même sa croissance, renoncer à une expansion nouvelle, sous prétexte que ses plus anciens fondateurs ne l’avaient pas prévue et par une crainte, peut-être chimérique, ou du moins excessive, de voir ses institutions altérées. Il est naturel aussi qu’il y en ait d’autres qui cherchent, avant tout, à préserver la pureté de ces institutions dans lesquelles ils voient la base de la grandeur nationale, et qui craignent qu’un agrandissement, auquel elles ne sauraient se prêter, entraîne plus de troubles intérieurs que d’avantages extérieurs. Certes, le gouvernement de pays sujets par une démocratie est toujours un problème difficile. Elle ne doit s’engager dans cette voie, où il lui est malaisé de bien conduire ses dépendances et d’éviter elle-même tout accident, que si le souci de sa grandeur future le lui impose absolument. Mais, dans le cas des Etats-Unis, n’y aurait-il pas moyen de tout concilier ?

La pierre d’achoppement de l’expansion américaine, ce sont