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Les flots du Pacifique doivent-ils arrêter la marche vers l’Ouest des Américains ? Ils ont conquis et occupé toute la plus belle région du Nouveau Monde ; ils s’y sont assuré le premier rôle. Pourquoi ne le joueraient-ils pas aussi dans le Grand Océan ? La mer offre à l’activité des nations un champ à peine moins fertile que la terre elle-même et le développement terrien de tous les grands peuples du monde s’est complété par un développement maritime. Le Pacifique doit être un jour un des grands centres de l’activité humaine. Or, de même que le soin d’exploiter le bassin du Mississipi et les Montagnes Rocheuses revenait naturellement à leurs aïeux, qui étaient le seul peuple civilisé en situation de le faire, de même, disent les partisans de l’expansion, c’est aux Américains d’aujourd’hui, seule grande nation voisine du Pacifique, à le mettre en valeur, à le sillonner de navires, à le couper de câbles télégraphiques, à l’outiller, en un mot, pour lui permettre de jouer au plus tôt, dans l’économie générale du globe, le rôle qui doit lui échoir. Ce faisant, ils remplissent une tache que la géographie leur a dévolue et que nul ne pourrait accomplir aussi bien qu’eux.

Au point de vue purement économique, l’expansion des Etats-Unis au dehors a depuis longtemps commencé. En 1900, leurs exportations ont été plus considérables que celles d’aucun pays au monde, dépassant, pour la première fois, celles de l’Angleterre. Tout le monde reconnaît, de l’autre côté de l’Atlantique, que les efforts des Américains doivent tendre à développer encore ce commerce si florissant déjà ; pour mieux y parvenir, on abandonne même le vieil idéal protectionniste. Dans le dernier discours qu’il ait prononcé, le malheureux Mac Kinley, le « Napoléon de la protection, » préconisait la réciprocité, la conclusion de traités de commerce pour ouvrir plus largement les marchés du dehors non seulement aux matières premières et aux produits alimentaires, mais aussi aux objets manufacturés que les Etats-Unis exportent maintenant en masse. Le président Roosevelt, moins gêné par son passé, est, lui aussi, un partisan de ces idées. Et ce ne sont plus seulement les marchandises américaines, ce sont aussi les capitaux qui commencent à s’épandre au dehors. Ayant remboursé en grande partie, à la faveur de quelques années de prospérité inouïe, les énormes emprunts qu’ils avaient faits à l’Europe pour construire leurs -chemins de fer, pour creuser leurs mines, pour défricher leurs