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des privilèges que nos pères n’ont obtenus qu’après huit ans de guerre. Il convient toutefois de remarquer ceci, que nos pères ne se contentaient pas de posséder ces inestimables biens à titre révocable. Ils pensaient que les tenir de la bienveillance d’autrui, c’est ne pas les tenir du tout. Ils combattaient non pour des privilèges, mais pour des droits, non pour une lettre d’instructions, mais pour une Constitution. »

Les efforts des anti-impérialistes, soutenus par beaucoup des meilleurs citoyens, entre autres par les deux derniers présidons MM. Harrison et Cleveland, ne purent empêcher le Congrès de voter la loi sur Porto-Rico. Mais, sitôt qu’elle eut été mise en vigueur par la perception effective de droits sur les produits de l’île, comme d’ailleurs sur ceux des Philippines, elle fut attaquée devant la Cour Suprême à laquelle les particuliers peuvent, comme on sait, déférer tous les actes des administrations fédérales, même lorsqu’ils ont lieu en vertu de lois, et qui peut déclarer nulles ces lois elles-mêmes, si elle les juge incompatibles avec la Constitution. Ce haut tribunal, dont la compétence presque illimitée est l’une des plus admirables garanties que la Constitution américaine donne aux citoyens contre l’arbitraire législatif, ne s’est peut-être pas montré cette fois tout à fait digne de son glorieux passé et de l’universelle considération qui l’entoure. Un seul de ses neuf membres a paru se ranger à l’opinion soutenue par l’attorney général qui, représentant la gouvernement, soutenait que la Constitution ne s’appliquait pas aux Territoires ; mais, pour des motifs divers qu’on ne saisit pas très bien et parmi lesquels figure au premier rang, — singulier raisonnement juridique, — la crainte des conséquences que pourrait entraîner une autre interprétation, quatre autres ont admis que seuls les Territoires annexés en vertu d’un acte du Congrès sont soumis à la Constitution, qui ne régit pas, au contraire, les Territoires acquis par traité. Or, parmi les récentes acquisitions, les îles Hawaï seules se trouvent dans le premier cas. Ainsi, partant de prémisses diverses, cinq juges, sur neuf, sont arrivés à cette même conclusion que le Congrès a le droit de légiférer selon son bon plaisir, sans nulle restriction, sur Porto-Rico et les Philippines.