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Le même sentiment se retrouve dans les six Exposés des motifs dont M. le ministre des Cultes a fait précéder ses « Projets de lois relatifs aux demandes en autorisation formées par les congrégations. » Ces Projets de lois sont au nombre de cinquante-huit en tout, dont on n’en a soumis que quatre seulement au Sénat, et les cinquante-quatre autres à la Chambre. Pourquoi cela ? C’est le secret de M. Combes. Trois d’entre eux, trois en tout, concluent à l’autorisation et regardent les « Pères Blancs d’Algérie ; » la Congrégation des « Missions africaines de Lyon, » — sur laquelle un lecteur curieux de renseignemens consultera, de préférence à l’Exposé des motifs de M. Combes, le beau livre du Père Piolet sur les Missions catholiques françaises au XIXe siècle ; — et enfin la Congrégation des « Frères Saint-Jean de Dieu. » M. Combes, bon prince, a bien voulu reconnaître « un caractère incontestable d’utilité » aux écoles des Pères Blancs, dans lesquelles « sont amenés à notre civilisation et à notre langue les enfans indigènes ; » et M. Combes, médecin, a consenti que les « Frères Saint-Jean de Dieu » continuassent d’hospitaliser, dans neuf de leurs maisons, « des malades souvent dangereux et toujours difficiles à traiter. »

Il s’est montré plus sévère aux Salésiens et aux Chartreux. Pour les Chartreux, nous dirons très franchement qu’étant nous-mêmes de ceux qui ne croient pas très nécessaire qu’une Congrégation de religieux « travaille » dans les alcools, et fabrique, sous le nom de liqueurs, des élixirs, ou peut-être des poisons multicolores, il n’y avait donc, tout simplement, qu’à les autoriser sous la condition de ne plus distiller de « chartreuse, » même verte. On ne fait pas aux gens un grief de ce que l’on peut d’un mot les empêcher de faire. Pour les Salésiens, nous renverrons le lecteur à la lettre où M. Anatole Leroy-Beaulieu, notre confrère et collaborateur, a relevé « l’inconvenance » des motifs développés par M. Combes dans le préambule du Projet de loi qui les frappe. D’une œuvre telle que celle de dom Bosco, honorée et récompensée, en 1900, par un jury international « composé d’hommes dont personne ne saurait mettre en doute la compétence et l’impartialité, » on ne dit pas, sans le prouver, « qu’elle n’a rien de commun avec la charité, » et « qu’elle n’est qu’une exploitation de l’enfance et de la crédulité publique, en même temps qu’elle constitue un péril pour le commerce et l’industrie privée. » C’est le langage de M. Combes qui « n’a rien de commun » avec la modération qu’on est en droit d’exiger d’un ministre. Mais ce sont aujourd’hui d’autres Congrégations qui nous intéressent ; ce sont les vingt-huit Congrégations qui « ont pour but avoué l’exercice delà prédication, » ce sont