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évêques et aux curés dont les diocèses et les paroisses seront compris dans la circonscription nouvelle. » Ces deux articles sont évidemment la condition l’un de l’autre. Supposé d’ailleurs que le « traitement » des curés et des évêques en fût un, il différerait de tous les autres traitemens, de celui du magistrat ou de celui du professeur, en ce qu’il ne procède ni de la munificence, ni de la bonne volonté, ni d’une décision unilatérale de l’État, mais d’un contrat synallagmatique et d’un traité international. En le supprimant, — et, à ce propos, pour en faire quoi, pour en affecter le montant à quels usages ? — c’est donc, à proprement parler, le « droit des gens » que l’on viole. On ne le violerait pas autrement si l’on prétendait passer outre aux stipulations d’un instrument diplomatique ou d’un traité de commerce. Et toute la différence est que, comme on le viole au détriment de quelqu’un qui ne peut pas se défendre, l’iniquité de la mesure, et sa brutalité, s’aggravent ici d’une lâcheté.

Elles s’aggravent encore d’une maladresse. Je n’ai pas l’honneur de connaître l’évêque de Séez, mais je connais Son Éminence le cardinal Perraud ; je connais l’archevêque de Besançon, sous la présidence duquel il m’est arrivé plusieurs fois de prendre la parole ; et je connais l’évêque d’Orléans. Je sais que, jadis, à Rome, où il était alors, l’intervention de l’évêque d’Orléans dans l’affaire des Assomptionistes, a été aussi décisive que prompte, et que loyale. Je me rappelle que naguère l’archevêque de Besançon présidait ce « Congrès de Bourges, » dont les conséquences, qui sont loin d’être épuisées, ont été considérables. Et, en effet, il joint ensemble deux qualités qui se contrarient d’ordinaire chez la plupart des hommes, et même chez quelques prélats : la fermeté du caractère, et la modération de l’esprit. Que dirai-je du cardinal Perraud, « ancien élève de l’École normale, » membre de l’Académie française, dont les Œuvres, — y compris son Eloge de Monseigneur Dupanloup, — sont là pour attester que jamais évêque ne mêla moins les choses de la politique à celles de la religion ? Mais qu’importent toutes ces choses à M. le président du Conseil ? Puisqu’il n’y a qu’un pays au monde où l’on puisse avoir l’idée de confier un « ministère des Cultes » à un séminariste qui a jeté sa soutane « par-dessus les moulins ; » et que ce pays est la France ; et que ce séminariste, c’est lui, M. le président du Conseil en profite pour satisfaire des rancunes qui ressemblent à l’exaspération d’un remords ; et, parvenu de la politique, il se donne la jouissance, grossière, mais entière, de faire sentir le poids de son pouvoir à des évêques, à des archevêques, à des cardinaux !