Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/865

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

culture, et d’aspirations, car le succès matériel est un irrésistible prestige. C’est pourquoi l’attitude slavophile de leurs mandataires vient d’être condamnée par eux aux élections législatives de 1901, qui, de la sorte, ont semblé marquer un recul de l’influence catholique dans ces montagnes. On voit combien la situation morale de ces pays apparaît trouble et complexe à l’heure présente.

On ne saurait accuser Rosegger de sympathies prussiennes. Tout le fond celtique de son être se révolte contre la conception militariste des Hohenzollern. N’a-t-il pas écrit dans le premier de ses romans, Der Waldschulmeister : « Au lieu d’enthousiasmer les enfans pour les héros guerriers, il est préférable de leur inspirer l’horreur la plus indignée pour le métier des armes ; il faut leur enseigner le patriotisme, qui apprend à vivre pour la patrie plutôt qu’à mourir pour elle. » N’est-il pas devenu l’un des fervens de la baronne de Suttner et de sa pacifique prédication[1] ? Ses convictions sont presque aussi cosmopolites parfois que celle de l’Aufklaerung. Dans le Paysan aux Français, il a montré l’un de nos compatriotes, blessé durant les guerres napoléoniennes, se fixant en Styrie pour y faire souche de bons Autrichiens. Et il a résolu de façon simpliste le problème qui agite le Tyrol contemporain, où luttent les influences allemandes et italiennes. Mariant un Autrichien antiwelche à une charmante jeune fille latine[2], il ajoute qu’ils engendreront non pas des Allemands ou des Italiens, mais des hommes ! Aussi avons-nous reçu récemment[3] confidence de ses rapports un peu embarrassés avec l’apôtre intransigeant du germanisme tyrolien, le poète Adolphe Pichler, qui, à plus d’un point de vue, apparaît comme l’antipode de son confrère styrien.

Toutefois, par certaines de ses objections à la discipline catholique et par sa tolérance affichée sur le terrain religieux, Rosegger a pu paraître animé de sympathies protestantes, et les adeptes du Los von Rom ont les yeux tournés vers lui. Dans la revue berlinoise Zukunft, il vient de publier sur le mouvement évangélique pangermaniste deux courts dialogues, qui trahissent son altitude expectante et embarrassée dans cette question brûlante[4]. Il nous présente un pasteur de l’Église réformée,

  1. Allerlei Menschliches.
  2. Der Schelm aus den Alpen.
  3. Ibid.
  4. Der Tuermer. Stuttgart, 1901.