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catholicisme par ses fréquentations piétistes[1] et en avait plus tard accepté sincèrement les doctrines, bien qu’elle portât dans sa profession de foi nouvelle des dispositions particulières, fruits de son éducation protestante. « Fidèle à la religion qu’elle avait embrassée, dit Rousseau, elle en admettait sincèrement toute la profession de foi ; mais quand on en venait à la discussion de chaque article, il se trouvait qu’elle croyait tout autrement que l’Eglise, toujours en s’y soumettant… Je suis bonne catholique, disait-elle, je veux l’être toujours, j’adopte de toutes les puissances de mon âme les décisions de la Sainte Mère l’Eglise. Je ne suis pas maîtresse de ma foi ; je le suis de ma volonté. Je la soumets sans réserves, et je veux tout croire. Que demandez-vous de plus ? » Elle sut, ajoute M. Ritter, se montrer à la hauteur d’un rôle qui demandait une âme religieusement cultivée, quand elle fut appelée à consoler le jeune Rousseau, malade se croyant condamné, et quand elle dut lui servir de compagne dans la recherche inquiète de la foi sur laquelle il voulait s’appuyer. Or, quand on a pratiqué Rosegger, on sent qu’il eût accepté volontiers la direction d’un pareil Mentor.

Car il n’a pas laissé de subir, lui aussi, une influence étrangère, masculine, il est vrai, et par là moins insinuante peut-être, mais à laquelle il a cependant obéi avec fidélité. Nous voulons parler d’un homme bien différent de lui par sa tournure d’esprit, sinon par son origine, également populaire, l’écrivain célèbre en Autriche : Robert Hamerling. Ce poète, d’un cœur généreux, mais d’un talent moins spontané que celui de Rosegger, avait grandi dans les illusions humanitaires du milieu de son siècle, et garda toujours les convictions de cette génération aventureuse. Ayant protégé cordialement les débuts littéraires de son jeune compatriote, il demeura son ami, et par le prestige de sa culture supérieure inspira toute sa vie an poète styrien une sorte de respect et de culte superstitieux, qui influa certainement sur l’attitude religieuse et politique de ce disciple volontaire. Ce fut seulement après la mort d’Hamerling, survenue en 1889, que Rosegger s’épanouit sans entraves et osa enfin se montrer lui-même dans l’expression de ses doctrines morales ; car dans la voie littéraire. Nous l’avons dit, il avait rencontré beaucoup plus tôt, l’originalité. Il nous reste à étudier cette dernière évolution de sa pensée philosophique.

  1. Voyez sur ce sujet les études de M. Ritter.