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diminué et aussi son pittoresque. Chez les Primitifs, il joue ; chez les Renaissans, il règne ; chez les Modernes, il gît.

Il en va tout autrement pour la Vierge. Son geste est d’autant plus esthétique qu’il est plus libre, quelle est moins fixée dans une attitude respectueuse, qu’elle prie moins et qu’elle s’émerveille davantage, qu’elle est moins la servante du Seigneur qu’on ne voit pas et qu’elle est plus la mère de l’Enfant qu’on voit. La transition est insensible. Pendant longtemps, c’est l’attitude de l’Adoration. La Vierge fait sa prière comme une religieuse dans un sanctuaire, ou plutôt sa méditation, car on ne lui imagine pas de paroles. Les poètes de ce temps, même les plus mystiques, les Bianco de Sienne, les Jacopone di Todi, comme plus tard les saint Alphonse de Liguori, lui prêtent une émotion plus humaine, plus démonstrative et plus tendre : « Ayant mis au monde le Fils éternel de Dieu, aussitôt tu l’adoras avec une joie infinie. Tu pris et tu baisas ce lys céleste. La joie que tu goûtas, toi, ô très douce, tu le sais ! » Mais les peintres, pendant longtemps encore, la laissent sans aucun geste sinon celui de la prière, sans aucune expression sinon celle de l’extase, et pour ainsi dire aucune pensée que celle du recueillement :


Stabat mater speciosa,
Juxta fœnum gaudiosa,
Dum jacebat parvulus,


Seulement, lorsque s’approchent les Mages, on imagine pour elle quelque expression nouvelle en même temps qu’une nouvelle attitude. Assise, elle a pris l’Enfant sur ses genoux ; elle le montre aux Rois venus de si loin pour le voir et elle en est fière. Mais cette fierté très douce n’apparaît encore que voilée d’une piété persistante, d’une humilité infinie. C’est la Vierge du cantique de saint Ephrem : « Pourquoi cela et pourquoi ? » dit-elle. Ils lui répondirent : « Parce que votre Fils est Roi. » Elle dit : « Quand est-il jamais arrivé qu’une pauvre femme enfantât un Roi ? Je n’ai pas, moi, les trésors des Rois et les richesses ne me sont jamais échues. Voyez ma maison : elle est toute pauvre et ma demeure est vide. »

A mesure pourtant que le temps s’écoule, les peintres oublient que la Vierge fut saisie de terreur à l’annonce de sa mission divine. Son culte est établi depuis tant de siècles qu’il leur paraît sans doute qu’elle y est habituée et que comme une