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route de l’ennemi, afin de retarder sa marche. « Il jugea, dit Sully, que ce serait un avantage considérable s’il pouvait le trouver encore occupé au passage de la Saône, n’eût-il avec lui qu’une poignée de monde. »

En conséquence, il mit en route une avant-garde de 800 à 900 chevaux (300 salades et 600 arquebusiers à cheval), sous les ordres du comte de Thorigny, qu’il rejoignit le 5 juin à Fontaine-Française. Voulant reconnaître le terrain sur lequel il pensait devoir bientôt combattre, Henri IV se porta à Saint-Seine sur la Vingeanne avec 300 chevaux, dont moitié arquebusiers. De là, il envoya en reconnaissance le marquis de Mirebeau avec 60 chevaux dans la direction de Langres et le baron d’Haussonville avec 150 chevau-légers vers Gray. Lui-même passa la Vingeanne et s’avança vers l’Est avec 100 chevaux. A peine avait-il parcouru une lieue qu’il rencontrait le marquis de Mirebeau refoulé par l’adversaire. L’armée espagnole tout entière était devant le roi. L’ennemi en force attaquait partout. À ce moment arrivait le maréchal de Biron avec 250 chevaux qui furent aussitôt ramenés. Le roi envoya ses 100 chevaux pour rétablir le combat ; ils furent entraînés dans la déroute. Tout semblait perdu. Mais alors Henri IV paie de sa personne. Le chef de cavalerie apparaît. Sans prendre le temps de mettre son casque, il se jette au-devant des fuyards, appelle les chefs par leur nom, rallie 300 hommes. Il en donne 150 à la Trémoille, gardant les 150 autres sous son commandement direct. Puis avec ces deux détachemens, il charge sur chaque flanc la cavalerie ennemie victorieuse et la fait plier. Biron à son tour rallie le reste de ses cavaliers, les ramène au combat et tous poussent la cavalerie ennemie, battant, jusque dans les lignes du duc de Mayenne. « Sans l’intrépidité d’Henri IV, (dit Sully dans ses Mémoires), il ne se serait peut-être pas échappé un seul de ces 300 hommes ainsi engagés au-delà d’une rivière, devant un corps de cavalerie victorieuse. »

Le roi se trouvant en présence de l’infanterie espagnole ne veut pas exposer sans profit, ses cavaliers au feu de la mousqueterie, mais apercevant deux corps de cavalerie ennemie, de 500 chevaux, débouchant des bois garnis de mousquetaires espagnols, il rallie aussitôt tout son monde et se jette sur cette cavalerie qu’il refoule sur l’infanterie. S’étant ainsi dégagé, il se retire en ordre sur la Vingeanne, où il trouve le reste des 800