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commencé ; allait-il continuer ? Il n’en fut rien. Un changement dans l’orientation politique amenait au Ministère un officier général féru de l’organisation indépendante de la cavalerie avec toutes ses conséquences. Les anciens erremens furent aussitôt repris avec d’autant plus de rigueur qu’ils avaient été sur le point d’être abandonnés. Alors, de nouveau la cavalerie manœuvre en vue d’agir seule. Ses procédés tactiques adoptent la forme des clichés, qu’aucun chef ne désire abandonner parce qu’ils mettent à l’abri les responsabilités, en étayant les actes sur l’application d’articles du règlement. Chaque été, on s’enquiert de régions aussi plates, aussi unies que possible et sans obstacles. Elles sont en petit nombre. On les appelle des terrains de cavalerie, et chacun regrette de ne pas pouvoir les transporter sur le théâtre des guerres futures. Le camp de Châlons, les plaines de la Beauce et de la Brie en sont les types.

Dans ces régions notre cavalerie se rassemble et ses manœuvres se déroulent uniformément semblables : c’est la bataille de cavalerie contre cavalerie, qui reproduit sans cesse les mêmes dispositions, les mêmes phases, et les mêmes erreurs. Le règlement a fixé un dispositif de combat qui a la prétention de répondre à toutes les situations.

La division est formée sur trois lignes, chacune d’une brigade ; elle présente une disposition en échelons, le centre en avant. En première ligne les cuirassiers. Ils marchent en ligne de masses avec intervalles de déploiement et doivent enfoncer l’adversaire. Le règlement leur dit que trois cas peuvent se présenter et leur indique ce qu’il faut faire dans chacun.

En deuxième ligne, viennent les dragons formés en ligne de masses ou en colonne de masses ; ils doivent soutenir la première ligne, se jeter sur la deuxième ligne ennemie et l’attaquer de flanc. Pas un instant, il n’est mis en doute que l’ennemi peut manœuvrer autrement que notre règlement ne le prescrit.

Cinq cas différens sont prévus. Si un sixième se présente, il n’y a plus de solution.

La troisième ligne enfin, chasseurs ou hussards, marche en ligne de masses on en colonne de masses comme les dragons. Ils constituent la réserve et il est recommandé de ne lancer les derniers escadrons qu’au moment de l’action décisive !

Avec un tel formalisme, il n’est pas étonnant que toute initiative disparaisse, que tout progrès soit arrêté.