Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/770

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne se préoccupera pas davantage des dangers de ces lourdes formations dont la masse enlève à la cavalerie sa qualité primordiale : la mobilité. Le but est d’être aussi indépendant que possible.

À cet effet, et pour pouvoir vivre, il a fallu créer des organes spéciaux ne relevant que du commandement de la cavalerie. Alors des trains, des convois, des services administratifs, des postes, des télégraphes, etc., sont affectés aux divisions. Chacune d’elles s’encombre de près de 150 voitures.

C’est là un lourd boulet à traîner et surtout à garder. Aussi certains généraux ont-ils demandé que des bataillons d’infanterie fussent attachés à ces trains, pour en assurer la protection. Quoi qu’il en soit, la cavalerie dépend de ses trains qui la forcent à restreindre son rayon d’action. Comment d’ailleurs s’en fera-t-elle suivre, s’ils ne marchent pas plus vite que l’infanterie ? D’un autre côté, si la cavalerie est chargée d’assurer la garde de ses convois, que devient son indépendance ? En fait, elle est rivée à ses fourgons. Rien que sous ce rapport le bon sens indique que cette conception est fausse.

Comment ces convois se tiendront-ils entre l’ennemi et les avant-gardes de l’armée ? Il faudra les escorter solidement, sinon, ils seront enlevés par le premier groupe de partisans rencontré. Une forte fraction de la cavalerie sera donc annihilée par ce service d’escorte.

Avons-nous une cavalerie si nombreuse, que nous puissions en distraire sans inconvénient une notable partie pour un tel service ? Évidemment non. On est alors amené à faire garder les trains de la cavalerie par de l’infanterie et on sait qu’alors ils ne peuvent pas suivre.

On a aussi songé à placer ces trains en arrière des avant-gardes. Que devient alors le service d’exploration à grande distance ?

Tout ceci donne une fois de plus la preuve qu’un principe faux entraîne toujours des impossibilités. Mais notre cavalerie ne se laisse pas enfermer dans les dilemmes. Elle veut sa bataille indépendante, elle entend la préparer.

L’évolution, le tourbillonnement des escadrons les uns autour des autres, le « tournoiement, » — expression qu’emploient les Allemands pour ridiculiser ces manœuvres d’un autre âge, — tel est le but essentiel de l’instruction du régiment. L’emploi