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moyens, avides de plaisir et de danger, prêts à sacrifier leur vie, rachetant par leur gaieté, leur entrain endiablé, leur entregent et leur esprit de ressources les connaissances techniques qui leur manquaient. Actuellement, les Français, chargés de missions près des puissances d’outre-mer, sont des fonctionnaires corrects, consciencieux, intelligens, instruits, d’une probité scrupuleuse, ayant le sentiment de leur valeur morale et professionnelle, par cela même peu disposés à s’incliner devant l’autorité hiérarchique de leurs chefs indigènes. Ignorant la langue du pays et souvent l’anglais, ils vivent dans l’isolement, s’ennuient, se découragent, deviennent atrabilaires et ne tardent pas à rentrer dans leur administration, où ils ont conservé leur rang et les droits à la retraite. Nous avons placé un assez grand nombre de jeunes gens ; deux seulement ont réussi : un ingénieur agronome et un capitaine au long cours ; ils luttèrent pour l’existence. Le fonctionnarisme avec ses garanties, son formalisme, sa discipline étroite et de convention, prépare mal les hommes aux emplois qui exigent de l’initiative, de la volonté, une bonne humeur constante.

Nos divergences de vues avec le Siam avaient pour ce gouvernement de sérieux inconvéniens. Nos nombreux protégés refusaient de se laisser exploiter et tyranniser par les mandarins trop avides dont les officiers se trouvaient ainsi forcés d’apporter quelque modération dans l’administration de leurs propres sujets. L’occupation de Chantaboon où, faute d’entente, nous continuions à entretenir une garnison, blessait profondément l’orgueil de la cour de Bangkok qui se croyait menacée de démembrement.

La France, au contraire, ne souffrait d’aucun dommage dans ses intérêts financiers, économiques, politiques, militaires. Notre accord avec l’Angleterre, de 1896, nous assurait une entière liberté d’action dans la zone d’influence de la vallée du Mékong qui nous avait été formellement reconnue, dont nous pouvions prendre possession à notre heure, à notre convenance.

Il nous suffisait d’attendre, pour accorder notre amitié à nos voisins, qu’ils revinssent à de meilleurs sentimens à notre égard.


Le gouvernement français ne semble pas avoir tenu compte de ces considérations, d’ordre secondaire, nous le voulons bien, mais qui cependant exercent une influence prépondérante dans les négociations asiatiques. De défendeur sur un terrain