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caux socialistes n’en admettaient aucune. Ils voulaient avoir communication du rapport du général Voyron ; ils le réclamaient impérieusement, afin d’en faire du scandale.

M. Waldeck-Rousseau a refusé très énergiquement de le livrer. Nous l’en avons approuvé à cette époque, car l’opposition générale que nous faisions à sa politique ne nous empêchait pas de lui rendre justice lorsque, dans certains cas particuliers, il suivait l’instinct de gouvernement qui était en lui. — Jamais, a-t-il dit, jamais je ne livrerai un rapport sur lequel le général Voyron a écrit de sa main le mot : confidentiel. — M. Waldeck-Rousseau avait raison. Si nos agens à l’étranger, lorsqu’ils écriront à leur ministre, s’attendent à ce que leur lettre sera livrée à la publicité, ils écriront certainement d’une autre manière que s’ils croient pouvoir compter sur le secret, et le gouvernement sera moins bien renseigné. De M. Waldeck-Rousseau à M. Combes, de M. de Lanessan à M. Pelletan, la faiblesse du gouvernement a augmenté. A la première requête de la commission du budget, M. Pelletan lui a envoyé le rapport du général Voyron, sans même prendre la peine de lui recommander la moindre discrétion. C’est au point que la commission en a été gênée ; elle a éprouvé, en face du rapport qui lui était abandonné, un embarras qui ressemblait à de la pudeur, sentiment que le gouvernement avait cessé d’éprouver. Elle a demandé à M. le ministre de la Marine s’il n’avait pas quelque recommandation à lui faire au sujet de ce document, et celui-ci a répondu qu’il restait confidentiel, à l’exception du passage relatif aux missionnaires. Singulière confidence que celle qu’on fait à trente-trois personnes ! On le voit : en face du parlement qui arme contre lui toutes ses forces, le gouvernement se démantèle lui-même. Bientôt, sans doute, on lira la correspondance diplomatique dans la grande commission des Affaires étrangères et des Colonies. Voilà où nous allons. Le gouvernement était déjà réduit à peu de chose ; il travaille lui-même à se réduire à rien.

Et comment les grandes commissions sont-elles nommées ? Autre côté de la question, qui mérite aussi d’être examiné. Ce qu’on appelle à la Chambre le « bloc, » c’est-à-dire la coalition des forces ministérielles, a la prétention d’opérer en toutes choses par coups de force, soit en éliminant la minorité, soit en lui faisant par grâce une place aussi étroite que possible. En ce qui concerne les commissions importantes, le « bloc » a pensé qu’elles devaient être élues au scrutin de liste dans la Chambre entière, au lieu de l’être dans les bureaux, chacun de ceux-ci élisant trois membres. Le premier sys-