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l’intérieur des corps. — Une expérience d’Obermayer, qui date de 1877, fournit un bon exemple des migrations de corps solides, exécutées sous l’action de la pesanteur. On sait ce qu’est la poix, la « poix noire » dont se servent les cordonniers et les constructeurs de bateaux. C’est une sorte de résine extraite du pin térébinthe et d’autres arbres résineux, fondue dans l’eau, séparée d’une partie plus fluide qui surnage ; elle doit sa couleur au noir de fumée produit par la combustion de filtres de paille et de débris d’écorce. C’est, à la température ordinaire, une masse assez dure que l’ongle ne peut pas toujours rayer. Cependant, si on l’abandonne à elle-même dans un récipient, elle finit par s’affaisser, par s’épandre, comme si elle était un liquide, et par épouser la forme du vase. On pose un morceau de cette matière au-dessus d’une cavité ménagée dans un bloc de bois, et contenant quelques, débris d’une substance légère, telle que le liège. Par-dessus, on met quelques cailloux. Si l’on attend quelques jours, la poix a rempli la cavité en s’y moulant, le liège l’a traversée pour remonter à la surface, les pierres pour gagner le fond. C’est, réalisée cette fois avec des corps solides, l’expérience célèbre de la fiole des trois élémens, dans laquelle on voit les liquides, le mercure, l’huile et l’eau, se superposer par ordre de densité.

La diffusion, qui dissémine les liquides les uns dans les autres, peut aussi faire voyager les solides à travers les solides. L’expérience de W. Roberts Austen, que nous avons rapportée ailleurs[1], en fournit une preuve convaincante. Cet ingénieux physicien superpose à un disque d’or un petit cylindre de plomb et maintient le tout à la température de l’eau bouillante. A 100°, l’un et l’autre métal sont parfaitement solides, puisque l’or ne fond qu’à 1 200° et le plomb à 330°. Et cependant, après que ce contact s’est prolongé un mois et demi, l’analyse montre que l’or a diffusé jusqu’au haut du cylindre de plomb.

L’électrolyse offre un autre moyen de transport, non moins remarquable. Grâce à elle, on peut obliger des métaux, tels que le sodium ou le lithium, à traverser des parois de verre. L’expérience peut être réalisée de la manière suivante. Un ballon qui contient du mercure baigne dans de l’amalgame de sodium. On fait passer le courant du dehors au dedans. Après quelque temps, on constate que le métal a passé à travers la paroi du ballon et qu’il est venu se dissoudre à l’intérieur.

  1. La Vie de la matière. Voyez la Revue du 15 octobre 1902.