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Conclu dans de pareilles conditions, et par surcroît, en pleine période électorale du renouvellement de la Chambre française, le traité du 3 octobre 1893 laissait certainement à désirer. Nous ne recouvrions pas les provinces cambodgiennes que nous étions en droit de réclamer. Cependant nous obtenions de sérieux avantages et de précieuses garanties. Par l’article premier, le gouvernement siamois renonçait à toute prétention sur les territoires de la rive gauche, cause originelle de nos dissentimens et nous reconnaissait la propriété de toutes les îles du fleuve. Une zone de 25 kilomètres sur la rive droite, ainsi que les provinces de Battambang et de Siam Reap, étaient neutralisées ; la cour de Bangkok s’interdisait expressément d’y entretenir des troupes, d’y construire des fortifications, laissant aux autorités locales, vice-rois indigènes, le soin d’assurer la police ; ce qui nous débarrassait de voisins dangereux et envahissans. Enfin, et c’était le point essentiel, le Mékong et le Grand-Lac devenaient des eaux exclusivement françaises où notre pavillon pouvait seul flotter. Le programme invariable des gouverneurs de Cochinchine et des ministres de la Marine se trouvait ainsi réalisé après trente années d’efforts ininterrompus.

Une convention annexe réglait les détails d’exécution. Par l’article 4, dont les Siamois ne semblent pas avoir compris l’entière portée, tous les sujets originaires de nos territoires, Annamites, Laotiens de la rive gauche, Cambodgiens détenus à un titre quelconque, plusieurs centaines de mille âmes, se trouvaient de fait placés sous notre protectorat. Nous avions introduit cette clause d’une application intégrale impossible, afin d’éviter à nos agens les interminables discussions auxquelles se complaisent les Asiatiques lorsqu’il s’agit de régler une question d’espèce.

Nous continuions à occuper Chantaboon jusqu’à l’exécution complète des engagemens pris à notre égard.

Comme toutes les nations faibles, les Siamois pratiquent la politique de bascule avec une merveilleuse dextérité, prêts à se ranger sous l’influence de la grande puissance qui leur inspire le plus de crainte ou leur offre le plus d’avantages. Ils reprochaient aux Anglais de ne pas les avoir suffisamment soutenus dans la voie périlleuse où ils les avaient entraînés ; nous représentions la force, nous avions fait preuve d’énergie : leur amitié nous était provisoirement acquise. Le 13 octobre, le prince Devawangse