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probablement par insinuation. C’est que vous avez une place marquée à l’Académie des Inscriptions. Voilà le danger d’avoir plus d’une corde à son arc (et, à propos, envoyez-moi celui du Brésil). Votre premier ouvrage sur la différence des races humaines pouvait vous envoyer aux Sciences morales. Suivant moi, vous ferez bien de tâter le terrain et de faire visite à un certain nombre de burgraves. Selon que vous les trouverez, vous vous déciderez à lancer votre lettre de candidature ou à l’ajourner. Cette lettre ne s’envoie qu’au dernier moment. Je n’ai pas besoin de vous dire que ma voix est à vous, si je ne suis pas mort d’ici là. J’ai été candidat aux Inscriptions et à l’Académie Française. Le premier métier est rude, les gens qu’on va voir n’étant pas toujours polis. A l’Académie Française, au contraire, nous nous piquons de bien recevoir le monde, et les visites n’ont rien de désagréable, surtout depuis la mort de quelqu’un qui profitait ou abusait de votre situation pour vous lire un acte ou deux.

Le capitaine Arvanitaki a poussé au succès de l’histoire des Perses. Avant son aventure, j’aurais été tenté de vous reprocher un peu trop de sévérité pour les Grecs. Je trouve que vous êtes en revanche indulgent pour les Perses. Vous nous les représentez un peu trop comme des chevaliers du moyen âge, peut-être, mais moins l’amour et l’honneur. Au reste, votre livre m’a fort intéressé et m’a fait grand plaisir.

Je suis bien malade et je commence à désespérer de jamais guérir. Le diable, c’est que je souffre beaucoup et que je suis condamné à la vie la plus maussade.

Je serai bien heureux de vous revoir. Mille amitiés et complimens.


P. MERIMEE.

N’oubliez pas l’arc Impérial.