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masse menée et ramenée entre des cylindres qui tournent en sens contraire, s’aplatit, s’étire, s’élargit. Auparavant, il n’y a qu’un instant encore, c’était un bloc, un cube, un tronc, haut d’une trentaine à une cinquantaine de centimètres ; c’est désormais une tête épaisse de quelques millimètres à peine, large d’un mètre, longue de plusieurs mètres, qui se développe comme une étoffe, comme une toile d’acier, comme un drap garance, d’un rouge vif, plus que vif, brutal et sanglant.

Ainsi que les cardeurs et les épingleuses nettoient leur laine ou leur tissu, en arrachent les impuretés qui les déparent, ainsi des ouvriers, chaque fois que, dans son va-et-vient, le jeu des cylindres fait passer et repasser la plaque devant eux, la nettoient du bout d’un balai qu’ils trempent préalablement dans une cuve afin d’éviter qu’il prenne feu au contact du métal en feu ; ou bien, dissimulés derrière les montans, s’abritant derrière les colonnes du laminoir, mais près de la tête rouge feu, rouge sang, près de ce feu de fer à le toucher presque, ils jettent dessus des paquets de bruyère mouillée : tout aussitôt la plaque suinte et chuinte, une flambée monte, une fusée part et retombe alentour en une cascade de flammèches, dans une atmosphère que ne réussissent guère à attiédir, — c’est-à-dire à rafraîchir, — les courans d’air qu’on laisse se croiser par des portes pareilles à des brèches, et comme si l’on eût abattu aux quatre murs un pan pour respirer, des quatre coins de l’immense atelier.

De même que l’aciérie et le puddlage, la tôlerie travaille à deux équipes, de jour et de nuit. L’équipe comprend : un contremaître ; des chauffeurs et des aides-chauffeurs ; des leveurs de portes : des chefs-lamineurs ; des seconds lamineurs ; des rattrapeurs ; des manœuvres pour la plaque ; des serreurs de vis ; des machinistes ; des rouleurs de charbon. En dehors de ces deux équipes qui alternent de jour et de nuit, la tôlerie occupe, mais de jour seulement, un personnel auxiliaire nombreux, — et qui n’est pas purement auxiliaire, ou ne l’est pas tout entier, mais dont une partie a la charge de travaux préparatoires ou complémentaires, — composé de : deux sous-chefs de service ; de chefs-cisailleurs, d’aides-cisailleurs, et de manœuvres-cisailleurs ; de traceurs ; de peseurs ; de chargeurs ; de répareurs ; de recuiseurs ; et, comme partout, de pointeurs pour la comptabilité. — Ajoutons tout de suite, en intervertissant l’ordre dans lequel nous avons rangé les dix ateliers de l’usine A, que le cinquième,