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Dans ces entreprises colossales où s’exécutent tant de travaux, comment le travail est-il organisé ? et d’abord, sur cet espace considérable, et cependant restreint, où tant de travaux sont menés de front, comment le travail est-il divisé ?

Vers le temps où Roland s’essayait à deviner l’industrie moderne et à définir « l’usine, » jusqu’au commencement du XIXe siècle et au-delà, on produisait le fer ou l’acier brut en traitant directement le minerai dans les bas foyers, foyers catalans, etc.[1]. Le métal était ensuite mis à la forme utile par des marteaux ou martinets. De là l’expression de l’Encyclopédie méthodique : « l’ensemble des martinets. » — « Peut-être, note à ce propos un homme des plus compétens, les procédés électriques nous ramèneront-ils un jour à la production directe. » En attendant, la production de ce métal (fer et acier) demande généralement trois opérations successives : 1° production de la fonte, en partant du minerai, par le haut-fourneau ; 2° production du fer ou de l’acier brut, par les fours à puddler, fours Martin ou convertisseurs Bessemer et Thomas ; 3° mise à la forme voulue, par les laminoirs, presses ou pilons.

De ces trois opérations, la première est la production de la fonte. Dès que la pointe du ringard a éventré le haut-fourneau, de ce corps énorme qui dévore indifféremment, aux souffles alternés et excitans d’un air brûlant et d’un air froid, houille,

  1. Sur les procédés de fabrication, et pour les explications techniques, voyez : A. Ledebur, professeur de métallurgie à l’école des mines de Freiberg, Le Fer et l’Acier, leurs emplois dans l’industrie, manuel à l’usage des constructeurs et des mécaniciens, traduit de l’allemand par Th. Seligmann ; Paris, 1 vol. in-16 ; Fritsch, 1896 ; — G. Oslet, La Construction, chapitres relatifs aux fers et aux aciers, 1 vol. in-4o, Georges Fanchon ; — Urbain Le Verrier, La Métallurgie, dans la Bibliothèque des Sciences et de l’Industrie ; 1 vol. in-8o, 1902 ; Société française des éditions d’art. Voici ce que M. Le Verrier dit du bas-foyer :
    « Le bas-foyer, très employé dans nos usines jusqu’au milieu du XIXe siècle, ne différait guère du four primitif (qui n’était sans doute qu’une cavité creusée dans le sol, remplie de bois ou de charbon dont on activait la combustion avec des soufflets à main placés sur le bord) que par des dimensions un peu plus grandes, une combustion plus stable et l’emploi de soufflerie mécanique. Sa cavité en forme de bassin destinée à recevoir le combustible est creusée dans un massif de maçonnerie assez élevé pour faciliter le travail ; sur l’un des côtés où se place l’ouvrier, se trouve une plate-forme où l’on peut tirer les matières qui ont été élaborées dans le foyer : les autres côtés sont entourés de murettes, à travers lesquelles passent les tuyères soufflantes. Après avoir rempli le foyer de charbon allumé, on charge au-dessus le minerai ou le métal ; lorsque la matière est fusible, elle se liquéfie sous le feu des tuyères et tombe au fond du bassin ; elle y prend la place du charbon, dont il ne reste qu’une couche plus ou moins épaisse au-dessus (p. 7 et 8). »