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pas souffert, parce qu’on s’appelle Athènes, et qu’on descend de Léonidas. Si le canton d’Uri avait fait des espiègleries semblables au canton d’Altdorf, personne ne se scandaliserait si l’attaqué usait de représailles. C’est la fantaisie qui gouverne le monde. Ici, tous les grands politiques croient à la guerre. Pour ma part je n’y crois pas. D’un côté je n’admets pas qu’on soit assez fou pour attaquer la Prusse pour s’être permis de gagner la bataille de Sadowa ; ce serait le vrai moyen de se mettre toute l’Allemagne sur le dos. D’un autre côté, je ne crois pas que M. de Bismarck ait envie de nous prendre Strasbourg. Il a bien assez d’affaires à unifier. Il me semble donc qu’à moins de quelque grosse sottise, difficile à prévoir, le statu quo est probable. Je dis, pour quelque temps, car après s’être unifiés, les Allemands demanderont à s’émanciper, et alors peut-être on verra des drôles de choses. Je ne crois pas à M. Bourée aux Affaires étrangères ; M. de M… s’est rendu, dit-on, impossible ; M. de la Valette me paraît probable. Le maître, dans ses lettres privées, écrit comme il parlait à Amiens, c’est-à-dire très pacifiquement ; je ne sais quelles lois on va nous faire pour notre jour de l’an prochain. Trouvez-vous que la presse soit fort muselée en ce moment ? Il est certain qu’aux beaux temps de Louis-Philippe, elle n’avait pas de plus beaux coups de gueule. Mais enfin !… Vous devriez bien découvrir quelque beau vase comme celui de Rhodes. S’il était possible de savoir bien exactement l’emplacement de l’Orchomène des Minyens, ne pourrait-on pas y faire des fouilles ? Il y aurait là, je pense, des choses curieuses, sinon belles, à découvrir, et qui peut-être révéleraient bien des choses sur la Grèce antique, d’avant les Doriens.

Adieu, cher monsieur, je n’ai pas besoin de vous dire tout le plaisir que me font vos lettres. N’en soyez pas avare.

Mille amitiés et complimens.


Cannes, 19 janvier 1868.

Cher Monsieur,

Je vis dans un trou si éloigné qu’il faut m’excuser si je n’écris guère. Je ne sais le mariage des princes qu’au baptême de leurs enfans. De plus, nous avons eu un hiver de chien. De la neige solide, à en faire des boules, voilà ce que nous avons eu pendant vingt-quatre heures dans ce beau pays, wo die Citronen blühn. Représentez-vous un peu la figure d’un asthmatique à un