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un œil ouvert dans un soleil ; — les prétentieux symboles de ceux-là qui ont la Lumière… Le Concordat, la cérémonie de Notre-Dame et son « triomphe de la calotte » avaient exaspéré le franc-maçon. « Je fus saisi d’un accès de fièvre, a-t-il raconté plus tard, et j’éprouvai comme un délire… » L’athéisme, lui aussi, a donc ses dévots qui font des martyrs !… Or, c’est en pleine attaque d’une pareille frénésie que la lettre de Chausse-blanche avait surpris Simon. « Prenez la fuite… mettez-vous en sûreté… » Allons donc ! Un militaire, un Romain de l’an X ! Et Régulus était venu se livrer aux suffètes de Carthage…


Maintenant en tête à tête avec Mounier, Edouard Simon. faisait une emphatique, théâtrale, mais fort étrange déclaration : assumant sur lui seul tous les péchés d’autrui, il s’offrait en bouc émissaire aux vengeances de Bonaparte. De la grandeur d’âme, — certes ; de la jactance aussi ! Chez tout martyr ostentatoire de sa croyance ou de ses idées, il y a quelquefois un héros ; le plus souvent, un vaniteux. L’antiquité classique, l’histoire décevante du Grec et du Romain, est remplie de comparses, de conjurateurs subalternes, qui sous les gênes du tortionnaire voulurent avoir été, eux seuls, la tragédie, le complot tout entier. Ces gens-là éprouvaient le besoin d’une draperie de gloire, et prétendaient à l’immortalité. Ainsi raisonna l’enfant de l’auteur de Mucius. En s’abritant derrière les instructions secrètes de Bernadotte, peut-être aurait-il encouru de moindres châtimens ; mais devant sa conscience jacobine, il se fût trouvé bien petit. Entre les deux alternatives, le fanfaron de vertu antique n’hésita pas. Ce franc-maçon, Romain de la Champagne, n’était, au demeurant, qu’un fils de notre Gaule, dont les Latins ont dit « race grandiloquente, très légère et très vaine. »

Sa confession déclamatoire semblait d’un personnage à la Tite-Live, faisait penser à quelque Scévola. « On ne parlait à Rennes, disait-il, que du Concordat et des victoires de l’obscurantisme, du Consulat à vie et de sa dictature. Moi j’écoutais, et la rage me mordait au cœur ; la fièvre me torturait de ses insomnies. Non, la France ne pouvait subir de pareils déshonneurs ! .. Un jour, sur la place Egalité je rencontrai le citoyen Bertrand. Je le connaissais depuis longtemps, et le savais un fervent patriote. Nous échangeâmes nos pensées et je fis passer mon âme dans son âme. Nous résolûmes alors de pousser un cri d’alarme