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accentué peut-être dans le parti républicain que dans l’autre, et les intérêts auxquels il s’attache sont de moins en moins populaires, parce que ce sont des intérêts privés et non pas des intérêts généraux. Il semble que le président Roosevelt en ait eu l’intuition lorsqu’il s’est attaqué aux trusts en disant qu’il y avait là une réforme à faire ; ou encore lorsqu’il a jugé excessifs les tarifs de douane établis autre : fois par Mac-Kinley, et qu’il a demandé notamment qu’ils fussent abaissés dans une proportion sensible devant les produits de Cuba. On sait que Mac-Kinley lui-même, la veille de sa mort, a prononcé à Buffalo un discours qui n’était pas un mea culpa, mais qui ressemblait pourtant un peu à un examen de conscience. Mac-Kinley, revenant sur les exagérations de son tarif, recommandait, au point de vue économique, une politique de réciprocité, c’est-à-dire de concessions réciproques entre les États-Unis et d’autres nations. Sa mort a coupé court à ces velléités, qu’il n’aurait peut-être pas poussées bien loin. Son successeur les a reprises, surtout en ce qui concerne Cuba. Ici, le mot de velléités ne suffirait plus ; M. Roosevelt a mis une énergie extrême, quoique inutile et vaine, à demander des tarifs réduits pour les produits cubains. Les producteurs et fabricans de sucre des États-Unis s’y sont opposés avec violence, et, quelle que soit la force bien connue de sa volonté, M. Roosevelt n’a pas réussi à vaincre la résistance qui s’est dressée devant lui. Cuba, qui a perdu le marché espagnol sans voir s’ouvrir pour elle le marché américain, continue de souffrir. Cette politique, faite d’égoïsme, et de l’égoïsme le plus inflexible, a ses partisans ; mais elle a aussi ses adversaires, et le nombre de ces derniers augmente tous les jours. Le seul côté par lequel la politique républicaine ait parlé à imagination est l’impérialisme. L’impérialisme a été populaire, il l’est encore ; néanmoins les esprits perspicaces en aperçoivent et en signalent le danger. Pour toutes ces causes, le parti républicain traverse une crise. Il est difficile de dire si les pertes qu’il vient de faire sont l’exacte mesure de son intensité ; l’avenir seul le montrera. Au surplus, les démocrates ont, eux aussi, commis bien des fautes ! Quoi qu’il en soit, une perte de vingt voix dans une majorité de quarante est un symptôme significatif, et les républicains auraient tort de le négliger.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.