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choses nouvelles dans le projet de M. Chaumié, et l’une d’elles ne soulèvera de notre part aucune critique, c’est l’obligation imposée aux membres de l’enseignement libre de se pourvoir des grades exigés dans l’enseignement public à chaque degré de l’échelle pédagogique. Cela ne servira sans doute pas à grand’chose, mais il n’en résultera non plus aucun mal, et les établissemens libres pourront, s’ils le veulent, écrire sur leur fronton : Avec la garantie du gouvernement. Les délais accordés aux directeurs et aux maîtres pour se pourvoir de ces diplômes sont insuffisans : sur ce point nous avons des réserves à faire, sans mettre d’ailleurs en doute que, dans un temps assez court, directeurs et maîtres auront tous les diplômes qu’on voudra. Que leur enseignement en soit sensiblement amélioré, c’est une autre affaire. Le principal reproche qu’on adresse à l’enseignement libre n’est pas d’être insuffisant ; on lui en veut pour de tout autres motifs. Mais si le but qu’on semble poursuivre est atteint, et si l’enseignement libre devient encore plus fort, ce sera tant mieux pour tout le monde, même pour l’Université, qui sera obligée de lutter contre une concurrence plus sérieuse. Sur ce point donc, en principe, pas d’objection.

Il y en a une à faire contre la seconde innovation de la loi, c’est-à-dire contre ce certificat d’aptitude, qui sera désormais imposé dans l’enseignement libre. Le projet de loi ne dit pas s’il le sera aussi dans l’enseignement public ; mais nous n’en doutons pas. Ce certificat d’aptitude spéciale nous laisse rêveur. Lorsqu’il s’agit des autres diplômes, nous savons d’avance, soit par la lecture des programmes, soit par l’expérience des examens, que les candidats sont interrogés sur des matières définies et concrètes : mais un certificat d’aptitude spéciale est une chose très vague. On nous dit qu’un décret d’administration publique déterminera ultérieurement ce que sera ce certificat : cela ne diminue pas notre incertitude, et prouve au contraire qu’elle est fondée. L’exposé des motifs du projet de loi s’en réfère au passage du célèbre rapport que le duc de Broglie a présenté, en 1844, à la Chambre des pairs. Nous y lisons que, pour diriger un établissement scolaire il ne suffit pas d’être instruit, « il faut avoir étudié sérieusement les principes généraux de l’éducation, les méthodes approuvées, les ouvrages qui font autorité en cette matière ; il faut posséder les qualités de l’esprit qui rendent propres à exercer sur la jeunesse un salutaire ascendant ; il faut être soi-même un homme bien élevé. » Nous ne sommes pas beaucoup plus avancés après avoir lu ce passage, et même quelques-unes des expressions