Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 12.djvu/479

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des motifs pour chacune d’elles ; et la commission, de son côté, ne présentera qu’un rapport, afin qu’il n’y ait qu’une discussion. Néanmoins, il y aura un vote séparé pour chaque congrégation. Nous ne voyons pas, en effet, comment on pourrait faire autrement sans violer la loi, et même le décret par lequel le Conseil d’État en a organisé l’exécution. Mais alors nous ne voyons pas non plus comment on pourrait empêcher une discussion sur chaque congrégation, tout député ayant le droit d’expliquer son vote : il aura donc celui, avant de voter pour une congrégation, de faire valoir ses mérites et ses services. Tout cela pourra être très long. La mort sans phrases serait préférable aux yeux de la majorité ; mais comment faire ? On a d’abord proposé de renvoyer la loi au Conseil d’État, auquel on demanderait, ou mieux auquel on enjoindrait d’en donner une interprétation différente, et de dire que le gouvernement n’est obligé de déposer un projet de loi que lorsqu’il propose d’autoriser : dans le cas contraire, il n’aurait rien à déposer, et la Chambre rien à voter. Malheureusement la loi est si claire, au moins sur ce point, qu’on ne peut pas compter beaucoup sur le Conseil d’État pour l’interpréter de travers : il faut une décision législative particulière pour chaque congrégation. Qu’à cela ne tienne, a dit M. Godet ; il n’y a qu’à changer la loi, et c’est ce qu’il a proposé. Mais, comme on ne peut changer une loi que par une loi, et qu’il faut longtemps pour faire une loi, il est à craindre que la proposition de M. Codet ne renvoie le tout à une date indéterminée. Enfin, le Sénat se laissera-t-il annihiler ? « Sont dissoutes de plein droit, propose M. Codet, les congrégations auxquelles l’autorisation aura été refusée par l’une ou par l’autre des deux Chambres. » Les deux Chambres, en principe, sont traitées sur le même pied ; mais, en fait, comme toutes les demandes ont été soumises en premier lieu à la Chambre et qu’aucune ne l’a été au Sénat, c’est la Chambre seule qui, en cas de refus, se serait prononcée sur la question et l’aurait tranchée souverainement. Le Sénat aurait disparu.

Nous reconnaissons d’ailleurs que l’affaire est compliquée, et que le législateur de 1901, comme on dit, a enrichi la casuistique parlementaire d’un cas tout à fait nouveau. On croyait avoir tout vu depuis si longtemps déjà qu’il y a des Chambres, et qui discutent, et qui votent, mais on se trompait : il était encore possible de faire faire quelques progrès à l’embrouillamini. Le moyen a consisté à déposer des projets de loi qu’on ajustement appelés négatifs, puisque c’est une négation que le gouvernement propose de voter. Une congrégation demande à être autorisée, le gouvernement propose de le lui