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causes de la grève et sur les conditions d’exploitation du domaine minier. On peut juger, d’après l’esprit de la majorité, de celui qui présidera à cette délicate opération. Une enquête de ce genre serait peut-être utile si elle était faite avec une entière impartialité, sans prévention, ni parti pris ; mais la Chambre actuelle ne saurait communiquer à sa commission des qualités qu’elle ne possède pas elle-même.

Il y avait pourtant une chance que les bureaux, composés par le sort, fissent entrer dans cette commission quelques hommes dont la compétence et le caractère auraient offert certaines garanties. Contre cet inconvénient, car c’en est un à ses yeux, la majorité a pris des précautions en décidant que l’élection aurait lieu au scrutin de liste. Une expérience récente a montré comment on peut par ce procédé faire une commission dont on soit tout à fait sûr. La Chambre l’a appliqué à la commission des congrégations religieuses. Il fallait là aussi trente-trois membres : le « bloc » ministériel a décidé d’en prendre vingt-cinq pour lui seul et d’en laisser 8 aux progressistes et à la droite. Les progressistes ont repoussé un cadeau qu’on leur abandonnait si parcimonieusement, et la commission s’est trouvée composée à l’unanimité de socialistes et de radicaux. On fera quelque chose de semblable pour celle qui est maintenant en cause, et non pas seulement pour celle-là, mais pour beaucoup d’autres encore, si le même vent continue de souffler. Aussi les journaux socialistes annoncent-ils déjà quel sera le résultat inévitable des travaux de la commission d’enquête. « On va donc, écrit La Lanterne, éplucher au grand jour les bilans, rechercher de quels élémens sont faits les bénéfices scandaleux et les fortunes inouïes des grands capitalistes des mines… Et la conclusion est facile à prévoir : elle démontrera la nécessité urgente de rendre à l’État la propriété des mines. Ce sera le juste châtiment de la rapacité et de la mauvaise foi. » C’est le jour même où les ouvriers repoussent une sentence arbitrale, qu’ils avaient promis d’accepter, que La Lanterne parle de la mauvaise foi des compagnies. Toutes ces menaces, qui ne seront pas toutes réalisées, mais dont on réalisera certainement quelques-unes, tiennent à un plan d’intimidation et de violence que nous voyons se dérouler sans que le gouvernement fasse même un geste pour la protection et la défense des grands intérêts dont il a la charge. Sentant peut-être mieux que personne son impuissance, il laisse aller les choses, et y assiste en spectateur résigné.

Nous savons moins que jamais où nous allons ; mais il y aurait une grande injustice à l’accuser de nous y conduire, car les rênes