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donne dès aujourd’hui des résultats assurés. Les ouvriers n’attachent pas à leurs engagemens le même respect que les patrons, respect religieux, catégorique, absolu. Les patrons sont responsables dans tous les sens du mot ; les ouvriers ne le sont pas. Ils le sentent bien, et en abusent. Si une sentence arbitrale leur convient, ils s’inclinent devant elle ; si elle ne leur convient pas, ils la déchirent purement et simplement. C’est ce qu’ils viennent de faire dans le Pas-de-Calais. Ils avaient été pourtant les promoteurs de l’arbitrage ; ils l’avaient demandé et obtenu. Leurs syndicats dans le Pas-de-Calais et dans le Nord avaient nommé des délégués pour s’aboucher avec ceux des compagnies. C’était une tentative de conciliation directe ; il aurait été heureux qu’elle réussit ; mais il aurait fallu pour l’espérer pousser la confiance jusqu’à l’aveuglement. Les ouvriers poursuivaient et voulaient l’arbitrage : ils avaient même désigné M. le président du Conseil comme devant être l’arbitre unique et obligatoire des deux parties, ce qui était aller un peu vite en besogne. Dès lors, il était certain d’avance qu’on ne s’entendrait pas par un autre moyen.

Aussitôt, en effet, que les conférences ont été ouvertes, les délégués des ouvriers ont posé une question, ou pour mieux dire une condition préalable : ils ont demandé aux délégués des patrons s’ils acceptaient le principe de l’arbitrage. Ceux-ci ont répondu affirmativement : à partir de cette minute, l’arbitrage était acquis. La même procédure a eu lieu à Arras et à Lille, pour le bassin du Pas-de-Calais et pour celui du Nord. Patrons et ouvriers ont choisi leurs arbitres en toute liberté, et les deux sentences ont été successivement rendues : elles ont repoussé les prétentions des ouvriers à une augmentation de salaires. Nous avons déjà dit sur quoi ils appuyaient leurs prétentions. Les conventions d’Arras leur avaient attribué, pour un temps limité, une prime de 40 pour 100 sur leurs salaires. Il était entendu qu’à l’expiration du terme fixé, la prime deviendrait variable pour rester proportionnelle aux cours des marchés du charbon. La question était donc très simple, et un bon élève de l’enseignement primaire aurait pu la résoudre : il s’agissait de savoir si les primes, qui avaient été réduites à 30 pour 100, étaient, oui ou non, proportionnelles au prix de vente du charbon. Elles l’étaient rigoureusement. Les arbitres, quels qu’ils fussent, ne pouvaient donc que reconnaître le bon droit des compagnies. Celles-ci ne se refusaient d’ailleurs pas à toute concession : ne croyant pas pouvoir en faire sur les salaires, elles en avaient spontanément offert sur un autre point, en proposant d’améliorer les pensions de retraites de leurs ouvriers. L’offre en