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a du soleil, et je rentre dans mon trou quand il n’y en a plus. Moyennant quoi, je vis assez tolérablement, c’est-à-dire que je respire beaucoup mieux que je ne fais à Paris.

L’année 1866, que je vous souhaite bonne et heureuse, a l’air de vouloir être fertile en événemens. En Allemagne, en Italie et surtout en Espagne, la déesse Ἔρις fera des siennes. Ici, nous ne nous préoccupons guère que de la façon dont sera reçu au Corps législatif votre ancien général, nommé député quand il était sénateur, et président avant d’être vérifié. Un neveu de Grasset m’a écrit pour me demander si son oncle avait fait un testament. Je lui ai envoyé copie d’une de vos lettres, qui lui prouvera qu’il n’en a fait que trop. C’était un excellent garçon, qui était heureux de vivre et qui venait d’obtenir ce qu’il désirait le plus, quand la mort la pris. Salute a noi, comme on dit à Naples. Adieu, cher monsieur, donnez-moi de vos nouvelles et des nouvelles de la Grèce. Je vous souhaite santé et prospérité. Ἔῤῥωσο.


Paris, 19 juin 1866.

Cher Monsieur,

Je suis vraiment honteux d’avoir été si longtemps sans vous écrire, mais vous savez bien que je n’ai rien à faire, ce qui fait que j’ai toujours sur les bras un embarras ou un autre qu’il faut expédier à la hâte, et que le temps me manque pour suivre mon inclination, particulièrement lorsqu’elle est vertueuse.

Et d’abord je dois vous faire mes complimens sur le mariage de Mademoiselle votre fille. Permettez-moi à ce sujet de vous demander pourquoi vous la mariez si jeune, car il me semble qu’à son retour de Perse, elle jouait encore à la poupée. Il y a quelques années de cela, me direz-vous. Mais le temps passe trop vite depuis quelques années.

Je voudrais bien vous demander encore de quel côté les descendans de Thémistocle jetteront leur épée dans la querelle qui se débat présentement en Allemagne et en Italie. Garibaldi a juré, dit-on, de délivrer les Grecs d’Europe aussitôt qu’il en aura fini avec les Autrichiens, c’est-à-dire dans une quinzaine de jours. Les pauvres Turcs n’ont qu’à se bien tenir.

Vous qui ne détestez pas les comédies à grand spectacle, que dites-vous de celle qui se joue en ce moment en Saxe et en Hesse ? Les souverains allemands, ne se trouvant pas assez à leur aise sur leurs trônes, se sont donné le plaisir d’y attacher des