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comédie hypocrite, c’est un jeu où elle excelle, étant le type de la bourgeoise égoïste, vaniteuse, autoritaire et tracassière. Elle a, comme on le devine, un brave homme de mari que d’un regard elle fait rentrer sous terre. C’est l’épouse acariâtre d’un conjoint débonnaire. Ce couple nous a été bien des fois présenté au théâtre : il amuse toujours. L’autre traître est le mari de Thérèse, Gaston de Rives ; celui-là se conforme avec docilité aux principes qui règlent la conduite des traîtres depuis qu’il y a des mélodrames et qu’on y ourdit d’astucieuses intrigues. A vrai dire, nous ne songions pas du tout à une intervention possible de ce mari, et quand nous avions vu André Jossan et Thérèse se promettre l’un à l’autre, nous avions tout à fait oublié qu’il y eût de par le monde un autre homme à qui Thérèse appartient légalement, tant que le divorce n’a pas encore été prononcé. Aussi éprouvons-nous la plus désagréable surprise lorsque surgit cet affreux trouble-fête. Depuis qu’il sait que sa femme divorce pour se remarier, la situation lui apparaît toute différente et il ne se soucie pas de faire les affaires de son successeur. Usant d’un grand moyen qui lui a été soufflé par l’odieuse Mme La Baudière, il enlève son fils. Thérèse n’est plus que la mère désolée à qui on a volé son enfant. C’est l’instant des sanglots et des larmes. Le pathétique est déchaîné.

Nous savons d’ailleurs que tout s’arrangera. Pour amener un heureux dénouement l’auteur n’aura même pas besoin de s’ingénier et de recourir à quelque habile péripétie : il sait qu’il peut compter sur la complicité du spectateur dans un genre dont c’est la loi que la pièce finisse bien. Un revirement va se produire : il arrivera, comme tout arrive dans cette comédie, sans cause, sans rien qui l’explique, et seulement parce qu’il plaît ainsi à l’auteur. Gaston de Rives ne s’obstinera pas dans ses mauvais desseins ; le mari récalcitrant devient le divorcé par persuasion ; il suffit pour amener cette facile conversion d’un entretien où André Jossan réveille les bons sentimens que ce coquin gardait tout de même au fond de son cœur. Car les méchans eux-mêmes, dans une berquinade, ne sont pas très méchans. Leur dureté se fond dans l’atmosphère d’universelle sensiblerie. Il n’est pas jusqu’à Mme La Baudière qui finalement ne conspire pour le bonheur de Thérèse. Comment se défendre de la plus douce des émotions au spectacle de tant de gens heureux ?

La Châtelaine fait un juste pendant à la Veine et aux Deux Écoles, et elle les complète, puisque c’est la définition du parisianisme, qu’il oscille entre deux pôles dont l’un est l’ironie et l’autre la sentimentalité. M. Capus est un des écrivains qui aujourd’hui passent de l’une à l’autre