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Seeley faisait de cette idée une doctrine en substituant à l’action directe et immédiate de Dieu dans une conscience individuelle le jeu régulier des grandes lois de l’Evolution que le chrétien peut, s’il lui plaît, réconcilier avec sa foi :


Tu regere imperio populos, Britanne, mémento !


Cromwell a donc été un précurseur du mouvement auquel nous assistons. Il avait l’Impérialisme dans les veines, sinon dans l’esprit. Cela suffit pour que sa mémoire soit, non seulement amnistiée, mais honorée des deux côtés de l’Atlantique, partout où l’on caresse le rêve d’une fusion finale des races sous l’hégémonie anglo-saxonne, mais cela ne pèse d’aucun poids devant l’histoire lorsque, comparant les circonstances, le besoin des temps, les facultés des hommes, les efforts et les résultats, elle fait la part de tous et de chacun dans l’œuvre d’une génération. Envisagé à ce point de vue, Cromwell n’a été qu’un obstacle en travers de la route, un de ces hommes que Comte baptisait, d’un barbarisme expressif, les « rétrogradateurs » de l’humanité. Et l’on ne voit pas, — c’est peut-être ici le plus dur jugement que l’on puisse porter sur un grand acteur de la politique — ce que le monde eût perdu à ce que cet homme ne fût pas né !


AUGUSTIN FILON.