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nommés pour faire partie de la Direction. Enfin, la loi a prescrit certaines règles pour le placement des capitaux. Mais, sous ces réserves, les établissemens créés par la loi de 1889 sont des organisations parfaitement distinctes des services publics, ayant la capacité d’acquérir des droits et de contracter des obligations, de figurer en justice comme défendeurs ou demandeurs, et de posséder une fortune qui leur est propre.

La loi de 1899 a créé deux assemblées nouvelles de patrons et d’ouvriers, l’une qui contrôle la gestion des autorités administratives inférieures, l’autre désignée sous le nom de Bureau de rentes. Ce sont ces assemblées, auxquelles s’adjoignent les Bureaux des caisses de maladie, qui forment le corps électoral chargé de désigner les membres du Comité. Il y a là un assez curieux mécanisme d’élection à trois degrés. Ces représentans sont élus par les bureaux des caisses de maladie, les patrons élisant leurs représentans, les ouvriers nommant les leurs, conformément à un règlement édicté par l’autorité centrale de chaque État sous la surveillance spéciale des délégués de cet Etat. C’est en somme une tentative de représentation des intérêts, qui mérite l’attention, et que nous venons d’ailleurs de voir introduire dans notre législation par un décret récent sur les conseils du travail. On sent partout, dans les pays de suffrage universel, le besoin de réagir contre la brutale tyrannie du nombre, et de rendre aux groupemens qui incarnent en quelque sorte les grands intérêts matériels et moraux une part d’influence qui ne dépende plus exclusivement du chiffre des individus qui les composent. Il ne s’agit pas, comme on l’a dit assez légèrement, de reconstituer des castes ou des ordres jouissant d’immunités contraires à l’égalité ; il s’agit, au contraire, de rétablir l’équilibre entre les forces qui constituent la société moderne, en donnant à tous la moyen d’échapper à l’oppression de l’argent ou à la tyrannie des masses. Loin d’être une concession faite aux idées socialistes, cette organisation des groupes rendrait impossible la réalisation d’un idéal social fondé sur la conception individualiste et l’omnipotence de l’Etat. Par cette conception de la direction et du contrôle, la loi de 1889 est un nouveau pas fait vers la réorganisation corporative que nous avons déjà eu occasion de signaler, ici même[1], et il importe de noter toutes les étapes de cette

  1. Voyez la Revue du 15 décembre 1898.