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permettre d’accomplir sa fonction sociale, qui serait incomplètement remplie, si, par sa négligence ou son imprévoyance, des milliers de citoyens restaient livrés sans protection suffisante à toutes les vicissitudes d’une existence précaire. »

La proposition de loi sauvegardait dans la plus large mesure l’existence des Caisses d’assistance et de prévoyance fondées par les grandes Compagnies sans le concours de leurs employés et les conservait moyennant certaines conditions que les projets actuellement présentés ont également admises.

Il n’est pas inutile de faire remarquer que cette proposition a été soumise au Parlement français cinq ans avant le vote de la loi allemande sur l’invalidité et la vieillesse, et que, par conséquent, ses auteurs n’étaient pas les plagiaires de leurs voisins d’outre-Rhin. Les concordances qu’on peut relever proviennent de ce que cette proposition est le fruit d’études faites en commun aux réunions de Fribourg, dans lesquelles les catholiques de tous les pays s’efforcèrent d’arrêter les bases d’une doctrine sociale conforme aux enseignemens de l’Eglise et à l’esprit de l’Evangile. M. le comte de Mun et ses amis, MM. le marquis de la Tour du Pin, Henri Lorin, Delalande, Milcent, etc., ont pris une grande part à l’élaboration de la législation protectrice du travail qui a prévalu partout en Europe ; comme membres de l’Union de Fribourg, ils furent les plus ardens promoteurs du mouvement corporatif. Il n’est donc pas étonnant qu’on trouve des points de contact entre les projets émanant des catholiques sociaux de France, d’Autriche, d’Allemagne et de Suisse. Chacun doit avoir en cette circonstance sa part de responsabilité, et, quelle que soit l’opinion qu’on puisse porter sur cet ensemble de doctrines, il n’est que juste d’établir que le groupe français a été au premier rang de ceux qui ont contribué à les faire prévaloir.

L’idée maîtresse de la proposition de M. de Mun, celle qu’on retrouve dans toutes les propositions émanant des mêmes hommes, c’est la création de ces caisses corporatives régionales qui ont triomphé en Allemagne, malgré l’opposition du grand Chancelier, partisan d’une caisse unique centrale, et qui ont fini par être adoptées en France par la commission de la Chambre des députés. Cette espèce de décentralisation administrative et financière aura, croyons-nous, beaucoup de peine à triompher, malgré l’exemple de l’Allemagne, dont nous aurons encore à