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permettent à l’eau des pluies de séjourner dans les champs et de les irriguer. » M. Gentil arrive à Dikoa, la capitale de Rabah, en partie détruite par une explosion de poudrière ; il en est émerveillé, il en fait une description tout aussi enthousiaste que celle que fit de Zinder le capitaine Joalland. Mais Dikoa était bien plus importante. « L’impression ressentie est grandiose. Si loin que la vue s’étende, on aperçoit des murailles et l’on est frappé de la régularité des constructions. Tout est très propre. » Et il décrit la ville, les palais de Rabah et de ses fils, et « des grands seigneurs, » constructions imposantes, bien tenues et luxueuses. « Ce qui frappa surtout nos troupes lorsqu’elles pénétrèrent dans la ville, c’était l’état de propreté véritablement extraordinaire qui régnait dans cette ville et même en dehors… Je rapportai de mon séjour à Dikoa l’impression de quelque chose de grand, d’une vie intense et d’un mouvement de population comme je n’en avais pas encore vu en Afrique. » Puis, M. Gentil quitte Dikoa, qui est en territoire allemand, il revient chez nous, à Fort-Lamy : « Quel changement s’est opéré en quinze jours ! La pluie, tombée en abondance, a fertilisé toutes ces plaines qui nie semblaient auparavant si désolées. Partout on rencontre des plantations pleines de promesses. Décidément la région du Tchad est riche et vaut la peine d’être conquise. Nous n’en avons malheureusement qu’une partie, mais notre lot est encore assez beau pour qu’on ne puisse pas regretter les sacrifices consentis en hommes et en argent[1]. » M. Gentil dépeint ailleurs comme excellente par ses qualités laborieuses la population noire de toute la région du Tchad.

Ainsi, tous î. es témoignages concordent, depuis celui, tout à fait magistral, de Barth, dans les années 1849 à 1855, jusqu’aux plus récens. Nous avons tenu à reproduire le texte même de ces dépositions si concluantes.

La région du Tchad, pays de Zinder, Bornou, Kanem, Baguirmi, plus loin le Ouadaï, c’est le joyau de l’Afrique. Il y a là une nouvelle Égypte, peut-être une plus grande Égypte, car, en plus d’un territoire périodiquement submergé égal à celui de la vallée du Nil, la région du Tchad possède des immensités de terres que les simples pluies tropicales rendent fécondes ; elle a, en outre, des dépôts métalliques ; c’est une Égypte séquestrée,

  1. Émile Gentil, la Chute de l’Empire de Rabah, p. 239, 240, 243, 244, 253, 254.