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rives changent chaque mois, de sorte qu’on ne peut les porter avec exactitude sur une carte ; il faudrait, après des observations prolongées, marquer la moyenne des basses eaux et la moyenne des hautes eaux[1]. » Au terme de ses longs voyages, qui ont duré plus de cinq ans, Barth eut une surprise en sens inverse ; c’était un peu plus au nord, aux environs de Barroua : « La route entière que j’avais suivie la première fois était alors toute couverte d’eau, le Tchad, après la grande inondation de cette année, plus grande que d’habitude, n’étant pas encore rentré dans ses limites habituelles[2]. »

Les inondations annuelles du grand lac centre-africain et des cours d’eau qui s’y déversent n’ont naturellement pas échappé à l’observation de M. Foureau, quoiqu’il n’ait fait aucun séjour prolongé sur les bords du lac et qu’il l’ait seulement contourné, dans une marche assez rapide, des environs de Kouka, en remontant au nord, jusqu’à Goulfei à l’embouchure du Chari après avoir longé toute la rive orientale. Il en parle très fréquemment. Ainsi pour celles du Komadougou : « La mission traverse la dépression nommée Kaouaoua, large surface elliptique entièrement dépourvue d’arbres et entourée d’une enceinte de gommiers au tronc noir, témoignage certain d’un séjour périodique sous l’eau… ; nous côtoyons quelques instans le lit de la rivière, marchant sur un sol dur et argileux, que recouvrent périodiquement les eaux… » Plus loin le Journal note « une large zone d’inondations où dorment encore pleins d’eau des étangs herbeux et poissonneux, des marigots allongés, qui constituent des bras de la rivière aux hautes eaux. » Et de même tout le long du Tchad : « La plaine que nous parcourons ensuite est maintenant presque nue, elle comporte de nombreux terrains inondés dans la saison des pluies… Cette plaine est à sol noirâtre légèrement argileux, sujette à inondation… » Et voici qui concerne les parties des rives du Tchad réputées les plus médiocres, celles du nord et du nord-est, qui appartiennent à la France : « Nous atteignons le village de Barroua, situé en bordure de la brousse ; ce village n’est point permanent et sert à la pêche, à la fabrication du sel et à la culture du coton qui l’entoure. Lorsque les eaux sont hautes, les habitans occupent un autre village du même nom situé à l’intérieur des terres et que je n’ai pas vu. » Cette dualité

  1. Barth, Reisen und Entdeckungen, t. II, p. 405 et 406.
  2. Ibid., t. V, p. 408.