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Et ces inondations régulières ont les mêmes principes fécondans dans ce centre de l’Afrique que dans le nord-est du même continent. Tous les cours d’eau, d’ailleurs, de cette région sont au régime des inondations régulières : et le Logone, et la Bénoué, et le Niger.

On a beaucoup disserté sur le lac Tchad ; certains écrivains ont voulu le considérer comme un simple marais, un bourbier même, ont dit quelques-uns. C’est mal juger cette puissante nappe d’eau. On a très diversement apprécié son étendue. Les explorateurs et les géographes sont loin de s’entendre à ce sujet. Rohlfs lui attribue seulement 11 000 kilomètres carrés pendant les basses eaux, deux fois environ l’étendue d’un de nos départemens français moyens ; Nachtigal lui assigne 27 000 kilomètres carrés ; Reclus va jusqu’à 50 000 kilomètres lors des hautes eaux[1], l’étendue de huit à neuf de nos départemens moyens. C’est que le lac Tchad est le grand déversoir de tout un réseau d’importans fleuves tropicaux dont plusieurs ont un cours très étendu et viennent de montagnes ayant une altitude de plus de 2 000 mètres, et que son niveau varie énormément d’une saison à l’autre.

Les observations des explorateurs sont sur ce point très concluantes. Voici Barth, qui a visité plusieurs fois le lac Tchad en des saisons différentes et en des années diverses : lors de son second séjour à Kouka, au mois d’avril, il fait une excursion dans la direction du lac ; il quitte la ville de Ngornou ; il se hâte pour jouir de la vue de la nappe d’eau ; mais aucun lac ne s’offre à la vue, Kein See war zu sehen ; une plaine gazonnée interminable, sans aucun arbre, s’étend jusqu’à l’horizon le plus éloigné ; « enfin, après que l’herbe eut gagné sans cesse en fraîcheur et en luxuriance, nous atteignîmes un marais peu profond, einen seichten Sumpf, aux rives les plus irrégulières, tantôt s’étendant, tantôt se retirant, de sorte qu’il nous devenait très difficile d’aller plus loin… Combien différent était l’aspect de cette contrée de celui qu’elle offrait dans l’hiver de 1854 à 1855, alors que la ville de Ngornou était à moitié embarrassée d’eau, et qu’un lac profond et ouvert s’était constitué tout au sud, couvrant tous les champs fertiles jusqu’au village de Koukiya. » Et il conclut que « le caractère du Tchad est d’être une énorme masse d’eau, dont les

  1. Reclus, Géographie universelle, t. XII, p. 667.