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préparation de notre conquête des deux tiers des rives du Tchad[1]. Nous emprunterons plus loin à cet ouvrage quelques extraits qui achèveront de peindre la région. Un conquérant noir renchérit encore sur Tamerlan ou Gengiskhan ; il fait autour de lui la désolation et la ruine. Le Journal de M. Foureau mentionne, à chaque instant, dans cette partie du récit, d’effroyables dévastations de Rabah ou de ses lieutenans. « De toutes parts dans la brousse, mais surtout aux environs des villages, on voit gisant à terre des ossemens humains. Des crânes jonchent le sol et les soldats de Rabah ont dû faire dans cette région d’innombrables hécatombes. Cette rage de destruction et de tuerie est vraiment effrayante ; ces vestiges récens sont le lamentable épisode d’une sauvage invasion. Ce n’est pas sans raison que les noirs de ce pays ne parlent de Rabah qu’en tremblant et en donnant tous les signes d’une terreur sans nom. L’emplacement du camp, en particulier, qui était autrefois un des villages de Gaschguer, est un véritable ossuaire. » Et il en est fréquemment ainsi tout le long de la route ; la mention « village détruit par Rabah » revient avec une terrible monotonie[2], et le comble de l’horreur, c’est la destruction absolue de cette ville de Kouka, aux 100000 âmes, que Barth et Monteil ont connue florissante. « Nous cheminons longtemps, dit M. Foureau, au milieu des maisons ébranlées et des débris d’une splendeur passée que rien ne vient plus rappeler… La mission quitte cette dernière partie de la ville en franchissant les vestiges de son mur de rempart le plus occidental, dont l’aspect est encore fort imposant ; là elle débouche sur un ancien vaste marché, très large avenue bordée de maisons en toubes (briques séchées au soleil), éventrées, mais encore debout ; c’était là une banlieue extra muros très importante. La traversée totale de la ville, de l’est à l’ouest, compte environ 4 kilomètres, kilomètres pénibles, puisqu’ils se développent continuellement entre des ruines[3]. » C’était donc vraiment une grande ville que Kouka, dont les débris impressionnent encore.

Une contrée qui nourrit et soutient une capitale de 100 000 âmes ne peut être dépourvue de ressources. Aussi ce pays, dans sa plus vaste étendue, apparaît-il comme très bien doué de la

  1. Emile Gentil, la Chute de l’Empire de Rabah, 1902 ; Hachette.
  2. Mission saharienne. Voyez notamment p. 589, 591, 593, 602, 610, 614, 615, 624, 625, 637, 640, etc.
  3. Ibid., p. 625 et 626.