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lui reconnaît 3 milles anglais et demi de tour, soit 5 kilomètres et demi, et pense qu’elle a pu contenir, aux jours de sa splendeur, 50 000 âmes, sinon davantage. Sa mosquée, avec sa tour pyramidale, est un monument caractéristique. D’après le célèbre voyageur allemand, Agadez devait avoir encore 7 000 âmes environ, quand il la visita en 1850[1]. M. Foureau, qui rapporte que la chronique attribue 70 000 âmes à Agadez lors de son apogée, ne lui reconnaît plus que 5 000 âmes environ à l’heure présente. Barth a recherché les causes du déclin de cette grande ville de l’Aïr et il les a trouvées dans l’effondrement du royaume Songhay, qui s’étendait sur tout le sud du Sahara et sur la lisière du Soudan, et dans la destruction de la ville par les Touareg à la fin du XVIIIe siècle. Depuis lors, la domination des Touareg n’a fait que s’accentuer, en même temps que le dépeuplement, la dévastation et le recul des cultures.

M. Foureau constate la lamentable situation gouvernementale de l’Aïr ; il ne s’y trouve aucune autorité ; l’anarchie y est complète : « Hadj Mohamed nous a montré (à Tintaghodé, dans le nord de l’Aïr), perchées dans la montagne, des espèces de grottes où lui-même, son beau-père, et tous les habitans ont l’habitude de cacher leurs réserves de provisions, précisément pour le cas d’arrivée d’une troupe de pillards. C’est l’habitude dans le pays : dès la première alerte, on se sauve et, comme les provisions sont enfermées d’avance dans ces greniers de la montagne, on abandonne purement et simplement les cases. C’est là l’existence de ces malheureux ksouriens de l’Aïr, vie de transes perpétuelles et de continuelles envolées. » Et plus loin, au sujet d’un autre village, Saghen : « Tous les habitans ont pris la fuite, les uns avec quelques chameaux qui viennent d’être déchargés, les autres abandonnant leurs ânes encore tout chargés. » Et il en est ainsi tout le long de l’Aïr : « Des nègres d’Aguellal me disent qu’il y a à Talak un groupe permanent de Taitok (Touareg), fixés en ce point depuis cinq à six ans et ne vivant que de rapines. Ces Touareg viennent de temps à autre pressurer les villages de la montagne. » Plus loin encore : « A une heure, on vient, en criant, du village, avertir qu’un parti de pillards composé d’Amghad des Kel-Férouane (encore des Touareg) vient d’enlever, en amont, dans la

  1. Barth, Reisen und Entdeckungen, t, Ier, p. 518 à 520.