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superficielle de son Journal pour le croire. La mission saharienne a fait, malgré elle, dans l’Air un séjour des plus prolongés. Elle y est demeurée près de huit mois, du 24 février 1899 au 17 octobre, dans une sorte de captivité, retenue non par des menaces, mais par des procédés dilatoires qui ont suivi deux attaques infructueuses à main armée. C’est là, et là seulement, qu’elle a couru de grands périls, du chef de la perfidie des hommes, non de l’inhospitalité de la nature. « Les Touareg (maîtres du pays) ont établi une sorte de blocus autour de nous, prenant leurs précautions pour qu’aucun ravitaillement ne puisse nous arriver… La tactique employée par les Touareg, depuis l’agression du 12 mars, à notre égard, est évidemment très judicieuse : faire le vide absolu autour de nous, éloigner les troupeaux, éloigner les denrées alimentaires, disparaître enfin eux-mêmes ; ils comptent bien ainsi que nous finirons par périr tous de famine[1]. » On promet sans cesse à la mission des chameaux dont elle a besoin pour continuer sa route, on lui promet des vivres ; jamais on ne lui fournit les premiers et on ne lui apporte des seconds qu’au jour le jour, en quantité insuffisante, en les lui faisant payer un prix exorbitant. Les guides qu’on lui fournissait cherchaient à l’égarer dans de mauvais pays. Ainsi retenue pendant huit mois dans une contrée qu’elle eût pu, si elle avait eu des transports et des approvisionnemens, traverser en quinze jours, forcée parfois de revenir sur ses pas, la mission a connu là des heures d’angoisse.

Près de la moitié du livre de M. Foureau (de la page 160 à la page 467) est consacrée à cette contrée de l’Aïr, qui ne représente pas le dixième du parcours de la mission. Laissons de côté le récit des incidens quotidiens et tenons-nous-en à la description générale du pays et des habitans ; elle ne diffère aucunement de celle qu’en a faite Barth, et elle fait ressortir un pays qui contient d’incontestables ressources.

La mission arrive le 24 février 1899, à Iferouane, premier village de l’Aïr qu’elle rencontre. Dès l’avant-veille, l’aspect des lieux est réjouissant : le 22 février, la mission entre « dans une très large vallée, celle de la rivière Agalindjé, que nous descendons quelque temps. Le spectacle est fort beau et très caractéristique… La rivière ne tarde pas à fuir vers l’Ouest, et la route

  1. Mission saharienne, p. 282 et 291.