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LES DEUX VIES. 93 la main à Francinepour la conduire à son fauteuil, ne la quittait jamais sans un baiso-main. Herbelot, qui tenait toujours pour un spécialiste, avait ac- cueilli sans enthousiasme ce nom respecté : — Une lo-ïauté ! Oh ! ça !.. . D’abord, elle avait dû résister aux suggestions paternelles de M" du Foudray : pourquoi ne transformait-elle pas la demande de divorce en séparation de corps? Il plaidait de préférence ce mode de rupture. Il Fénervait aussi par le penchant de métier qui le conduisait à dire en toute honnêteté : — Ne pourrions-nous corser un peu les griefs, rembourrer notre dossier?... Entendez-moi bien, je ne vous demande pas, Dieu m’en garde, de dénaturer la vérité; mais vous rappelez-vous bien tout? Voyons?... Est-ce que votre mère, vos amis?... M^ . du Foudray la choquait encore par l’accent convaincu dont, envisageant les deux aspects de la question, il indiquait la plaidoirie de Le Hagre, exposant les argumens sans rien taire de leur force : « — Messieurs, mon honorable adversaire ose brandir ces lettres dérobées par surprise, dans des conditions si furtives de larcin qu’elles entacheraient la probité même; mais, je le demande, depuis quand lincapacité de la femme mariée, cette femme que le droit romain place dans la main de l’homme, 171 maniis,... » — Pensez moins, lui eût crié Francine, à ce que dira M Sépale, et davantage à ce que vous direz! — Mais alors, de lui-même : — Et nous répondrons, Madame : — « Ce droit romain dont vous invoquez la séculaire et redoutable autorité, et dont les fondemens de granit... » C’est d’une admirable voix que M^ du Foudray parlait du droit romain, et déroulait des pé- riodes cicéroniennes, dignes de causes célèbres. Néanmoins, il avait confiance. Marchai, lui, n’en avait guère. Herbelot l’avait alarmé. Francine se perd ! Elle et sa mère devraient rendre visite aux juges ; elles connaissent tant de monde ! Au lieu de chercher des appuis, elles restent chez elles; elles seraient coupables qu’elles n’agiraient pas autrement. Aller choisir un grand avocat, honnête homme, pour l’opposer à un Sépale ! Il revit les dîners mélancoliques de l’hiver, entre M’"" Favié reprise à la dévotion, Francine incapable de penser à autre chose qu’à son procès. Résolu à s’employer pour elles et sans le