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Cette espèce cristalline de la glycérine a pu être étudiée et les conditions qui lui permettent de subsister ont été déterminées avec précision. On a constaté qu’elle ne résistait pas à une température de 18°. De sorte que, si l’on ne prenait des précautions pour les préserver, il suffirait d’un été pour faire disparaître tous les individus cristallins qui existent à la surface du globe et éteindre l’espèce.

C’est qu’en effet ces cristaux fondent à 18°. Cette température représente le point de fusion de la glycérine solide ou le point de solidification de la glycérine liquide. Et cependant, la liqueur ne se solidifie point si sa température tombe au-dessous de 18°. Elle ne se solidifie pas davantage à 0°, ni même à 18° au-dessous de zéro : elle s’épaissit seulement et devient pâteuse. Nous ne connaissons donc la glycérine qu’à l’état de surfusion ; et, ce résultat n’est pas de ceux que les chimistes aient appris sans étonnement.

Avec ces faits, si analogues à l’apparition d’une espèce vivante, à sa propagation illimitée et à son extinction, le monde minéral nous offre une image assez fidèle du monde animé. L’être vivant éclaire ici l’histoire du corps brut et en facilite l’exposé. Et, inversement, le corps brut à son tour jette une singulière clarté sur le vivant et sur l’un des plus graves problèmes relatifs à son origine, celui de la génération spontanée.

Notre conclusion sera celle de M. Errera. Jusqu’au moment où le concours des circonstances propices à leur génération spontanée a été réalisé, les cristaux n’ont été obtenus que par filiation. Jusqu’au temps de la découverte de l’électro-magnétisme, les aimans n’ont été engendrés que par filiation, au moyen de la simple ou de la double touche d’un aimant préexistant. Avant la découverte que la fable attribue à Prométhée, tout feu nouveau n’avait été produit qu’au moyen de l’étincelle d’un feu préalable. — Nous sommes à ces débuts de l’histoire, en ce qui concerne le monde vivant ; et, c’est pour cela que jamais jusqu’ici on n’a formé une seule parcelle de matière vivante, si ce n’est par filiation, grâce à l’intervention d’un organisme vivante préexistant.


A. DASTRE