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manifestation de la vie ; mais celle-ci fait défaut : la prétendue vie ralentie n’est pas une vie.

La majorité des physiologistes répugne à une interprétation si contraire aux lois de la continuité du protoplasme et de la caducité de l’élément vivant. Le milieu naturel est variable, et le minéral lui-même ne saurait s’y maintenir éternellement fixe. La pérennité appartient encore bien moins au vivant. Si la vie ordinaire a, pour chaque individu, une durée limitée, la vie ralentie doit être dans le même cas. On ne saurait croire qu’après un sommeil indéfiniment prolongé, la graine ou l’anguillule ou le kolpode, sortant de leur torpeur, puissent reprendre le cours de leur existence, comme la princesse du conte de Perrault, au point où elle avait été interrompue, et exécuter ainsi une sorte de saut par-dessus les siècles.

En fait, le maintien de la vitalité des graines des tombeaux égyptiens et leur aptitude à germer après des milliers d’années ne sont que des fables ou le résultat d’une imposture. M. Maspero, dans une lettre adressée à M. E. Griffon, le 15 juillet 1901, a clairement résumé la situation en disant que les graines achetées aux fellahs lèvent presque toujours, mais que celles que l’expérimentateur a recueillies lui-même dans les tombeaux ne germent jamais.

Au résumé, il faut parler dans les mêmes termes de la nutrition et de la vie, de leur marche ininterrompue, de leur continuité, de leur permanence, de leur activité et de leur ralentissement. Que ce soit peu ou beaucoup, vite ou lentement, dans ses réserves ou dans son protoplasme, pour dépenser ou pour accumuler ; la matière vivante s’accroît toujours. Cette fatalité la définit, la caractérise et résume son activité. L’accroissement, l’évolution de croissance sont des conséquences ou des aspects de la nutrition.


Il existe chez le cristal quelque chose d’analogue à la nutrition, une sorte de nutrition qui est l’ébauche de la propriété fondamentale des êtres vivans. Le point de départ du cristal est un noyau primitif que nous comparerons tout à l’heure à l’œuf ou à l’embryon de la plante ou de l’animal. Placé dans le milieu de culture convenable, c’est-à-dire dans la solution de la substance ; ce germe se développe. Il s’assimile la matière dissoute, il s’en incorpore les particules, il s’accroît en conservant sa forme, en