Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/918

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont été cherchés, entre l’architecture rigide et à facettes de ceux-ci, et la structure flexible et à surfaces courbes de ceux-là : la forme utriculaire du soufre sublimé d’une part et la structure géométrale du test des radiolaires, de l’autre, ont montré un échange de formes typiques entre les deux systèmes. On a été jusqu’à mettre en parallèle six des types principaux d’embranchement du règne animal avec les six systèmes cristallins. Poussée à ce degré la thèse prend un caractère puéril. Il suffit des analogies réelles. Et parmi celles-ci les faits curieux de rédintégration cristalline doivent être mis au premier plan.


VIII

On sait que non seulement les êtres vivans possèdent une architecture typique qu’ils ont construite eux-mêmes, mais qu’ils la défendent contre les causes de destruction et qu’ils la rétablissent au besoin. L’organisme vivant cicatrise ses blessures, répare les pertes de substance, régénère plus ou moins parfaitement les parties enlevées ; en d’autres termes, quand il a été mutilé, il tend à se refaire suivant les lois de sa morphologie propre. Ce phénomène de reconstitution ou de rédintégration, ces efforts plus ou moins heureux pour se rétablir dans sa forme et son unité, paraissent, au premier abord, un trait caractéristique des êtres vivans. Il n’en est rien.

Les cristaux, — disons les individus cristallins, — montrent la même aptitude à réparer leurs mutilations. Pasteur, dans un travail de jeunesse, a étudié ces faits curieux. D’autres expérimentateurs, Gernez un peu plus tard et Rauber tout récemment l’ont suivi dans cette voie et n’ont pu qu’étendre et confirmer ses observations. Les cristaux se forment à partir d’un noyau primitif, comme l’animal à partir de l’œuf : leurs particules intégrantes se disposent suivant les lois d’une savante géométrie de manière à réaliser une forme typique, par un travail qui peut être comparé au travail embryogénique qui édifie le corps de l’animal. Or, cette opération peut être troublée par des accidens dans le milieu ambiant ou par l’intervention voulue de l’expérimentateur. Le cristal est alors mutilé. Pasteur vit que ces mutilations se réparaient d’elles-mêmes. « Lorsque, dit-il, un cristal a été brisé sur l’une quelconque de ses parties et qu’on le replace dans son eau mère, on voit, en même temps que le cristal