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L’anatomie n’a jamais expliqué et n’expliquera jamais rien. Heureux les physiciens ! s’écriait J. Lœb, de n’avoir jamais connu la méthode de recherche des coupes et des colorations ! Que fût-il advenu, si, par fortune, une machine à vapeur fût tombée dans les mains d’un physicien histologiste ? Que de milliers de coupes, en surface et en épaisseur, diversement colorées et décolorées, que de dessins, que de figures, sans arriver sans doute à apprendre que la machine est une machine à feu et qu’elle sert à transformer la chaleur en mouvement !

En somme, tout ce que nous savons de la constitution de la matière vivante et de son organisation se résume dans les lois que nous venons de rappeler de l’Unité chimique et de l’Unité morphologique des êtres vivans. Ces lois semblent une généralisation légitime de tous les faits observés. — La première exprime que les phénomènes de la vie ne s’observent que dans et par la matière vivante, le protoplasma, c’est-à-dire dans et par une substance qui a une certaine composition chimique et physique. Chimiquement, elle est un complexus protéique à noyau hexonique ; physiquement, elle offre une structure écumeuse analogue à celle qui résulte du mélange de deux liquides granuleux, non miscibles, de viscosité différente. — La seconde loi exprime que les phénomènes de la vie ne se maintiennent que dans un protoplasme qui a l’organisation de la cellule complète, avec son corps cellulaire et son noyau.

Quelle est la signification de ces lois de composition chimique et d’organisation des êtres vivans ? C’est évidemment que la vie ne s’accomplit et ne se perpétue, dans toute sa plénitude, que sous leur protection. Mais ne peut-il arriver que des manifestations vitales fragmentaires, incomplètes, ébauches progressives de la vie véritable, s’accomplissent dans des conditions différentes ; par exemple, avec une matière qui ne serait pas un protoplasme, et dans un corps qui aurait une organisation différente de la cellule, c’est-à-dire dans un être qui ne serait ni un animal, ni une plante ? C’est la question même qui est en jeu et dont nous avons à demander la solution à l’expérience.

Peut-on essayer de la préjuger ? Les expériences de mérotomie, c’est-à-dire d’amputation, exécutées sur l’élément nerveux par A. Waller, sur les infusoires par Brandt, Gruber, Nussbaum, Balbiani et Verworn, nous apprennent la nécessité de la