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classification. L’histoire des sciences d’observation est l’histoire même des échecs de cette doctrine. Pasteur lui a donné le dernier coup, en montrant que les micro-organismes les plus simples obéissent à la loi générale qui veut que l’être vivant ne se forme que par filiation, c’est-à-dire par l’intervention d’un organisme vivant préexistant.

La génération spontanée qui n’a pu encore être réalisée dans le présent, a été rejetée, par Haeckel, dans un passé plus ou moins lointain, au moment où le refroidissement du globe, la solidification de son écorce et la condensation de la vapeur d’eau à sa surface créèrent des conditions compatibles avec l’existence d’êtres vivans comparables à ceux que nous connaissons. Lord Kelvin a fixé ces événemens géologiques entre 20 et 40 millions d’années en arrière du moment actuel. Alors, les circonstances devinrent propices à l’apparition des premiers organismes d’où successivement sortirent ceux qui peuplent maintenant la terre et les eaux.

Ces circonstances, la plupart des physiologistes admettent que si on les connaissait exactement et si l’on pouvait les reproduire, on en ferait apparaître la conséquence. Ce serait la création d’un être vivant, formé de toutes pièces, à partir du règne inorganique. Pour tous ceux qui pensent ainsi, l’impuissance de l’expérimentation actuelle est purement provisoire. Elle est comparable à celle des hommes primitifs, qui, avant Prométhée, ne sachant produire le feu, ne faisaient que se le transmettre les uns aux autres. Elle tient à l’insuffisance de nos connaissances et à la débilité de nos moyens : elle ne contredit pas la possibilité du fait.

Mais tous les biologistes ne partagent point cette manière de voir. Quelques-uns, et non des moindres, tiennent pour établie l’impossibilité pour la vie de naître du concours des matériaux et des forces inorganiques. C’était l’opinion de l’éminent botaniste Ferdinand Cohn, du médecin saxon H. Richter, et d’un physiologiste bien connu par des recherches remarquées en chimie biologique, W. Preyer. Pour ces savans, la vie, à la surface du globe, n’a pu apparaître aux dépens de la matière brute et des forces qui la régissent encore.

Selon F. Cohn et H. Richter, la vie n’a pas eu de commencement. Elle a été transportée sur terre d’un autre monde, du milieu cosmique, sous la forme de germes cosmiques ou