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configurations astrales, effrayé de l’approche des autres planètes et manifestant sa terreur par les tempêtes, les ouragans et les tremblemens de terre. L’admirable flux et reflux de l’Océan était sa respiration. La Terre avait son sang, sa transpiration, ses excrétions ; elle avait aussi ses alimens, parmi lesquels l’eau marine qu’elle absorbe par de nombreux canaux. Il convient de dire qu’à la fin de sa vie, Kepler a rétracté ces assertions chimériques qu’il attribue à l’influence de J.-G. Scaliger. Il a expliqué qu’il avait voulu entendre, par l’âme des corps célestes, simplement leur force mouvante.


II

La barrière entre les corps bruts et les corps vivans a commencé d’être abaissée par les philosophes, qui ont introduit dans le monde les grands principes de continuité et d’évolution.

Il faut nommer en premier lieu Leibniz. Selon la doctrine de l’illustre philosophe, interprétée par M. Fouillée, « il n’y a pas de règne inorganique, mais seulement un grand règne organique dont les formes minérales, végétales et animales sont les développemens divers… La continuité existe partout dans le monde, et la vie existe aussi partout avec l’organisation. Rien n’est mort, la vie est universelle. » Il en résulte qu’il n’y a pas d’interruption ni de saut dans la suite des phénomènes de la nature ; que tout s’y développe graduellement ; et, qu’enfin l’origine de l’être organisé doit être cherchée dans l’inorganique. La vie proprement dite, en effet, n’a pas toujours existé à la-surface du globe. Elle y a fait son apparition, à une certaine époque géologique, dans un milieu purement inorganique, par l’effet de conditions favorables. Le dogme de la continuité oblige à admettre qu’elle y préexistait sous quelque forme rudimentaire.

Les philosophes contemporains, imbus des mêmes principes, MM. Fouillée, L. Bourdeau, A. Sabatier, s’expriment comme Leibniz. « La matière morte et la matière vivante ne sont pas deux choses absolument différentes, mais représentent deux formes de la même matière, ne se distinguant que par des degrés, parfois même par des nuances. » Où il n’y a qu’une question de degré, il ne faut pas croire à une opposition. Il ne faut pas prendre des inégalités pour des attributs contraires