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de bons sentimens autour d’eux. Il paraît que l’union entre les mères de famille est touchante, qu’elles s’entr’aident, gardent les enfans les unes des autres.

Une maison Liapinsky pour hommes existe dans un autre quartier plus central, elle est ouverte aux étudians pauvres. Un de ses hôtes, un jeune acteur, m’en dit beaucoup de mal, se plaint de la nourriture, du manque d’ordre, de soin et de propreté. Je ne doute pas qu’il n’ait raison, le service étant fait uniquement par des hommes, sans l’intervention d’aucune ménagère, mais ce refuge rend encore des services, néanmoins ; il diminue l’armée des bohèmes et des vagabonds. Les Liapine ont créé aussi un asile de nuit. Évidemment leur âme pitoyable était préoccupée de la misère à tous les degrés et des moyens d’y porter remède.

Si active que soit la charité publique en Russie, la charité privée la complète utilement. Ainsi les hôpitaux et les dispensaires sont certes nombreux à Pétersbourg et cependant, on aurait peine à se passer aujourd’hui de la polyclinique fondée depuis trois ans par une femme du monde, la baronne de Thal. Cette œuvre de secours médical commença modestement sur les terres de la baronne, avec l’aide d’un médecin éclairé autant que dévoué, le docteur Hebstein. En soignant ses paysans, Mme de Thal vit que le point important, lorsqu’il s’agit de guérir, est de prendre à temps la maladie. Cette conviction lui fit ouvrir dans un quartier central de Pétersbourg, rue Rojdestvenkaïa, la maison où un matin elle m’a conduite. Plus de cinquante médecins y travaillent, sans rémunération, au soulagement des pauvres ; de dix heures du matin à cinq heures du soir, ils se succèdent dans le cabinet de consultation, donnant aux malades toute l’attention nécessaire. Pour cela, ils n’en reçoivent par heure que de deux à quatre nouveaux et de quatre à six pour les visites suivantes. Malgré cette règle, 2 486 malades donnant un total de 4 514 visites ont été inscrits dès la première année. Une dame médecin préposée à l’établissement les interroge d’abord et les classe en cinq catégories. Puis elle les introduit auprès des spécialistes dont ils ont besoin. Lorsque nous arrivons, de bonne heure pourtant, une douzaine au moins d’hommes, de femmes et d’enfans sont assis déjà dans la salle d’attente. Les remèdes sont fournis gratuitement et la société de bienfaisance, dont Mme de Thal est présidente, a soin qu’une bonne nourriture