Page:Revue des Deux Mondes - 1902 - tome 11.djvu/882

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’ont pas moins de quatre cents élèves qui reçoivent l’instruction primaire et sont dressées aux travaux des champs, aux soins du bétail. Les meilleures, quand elles se marient, reçoivent une petite dot. Il n’y a pas de population plus déshéritée que celle où se recrutent les élèves de cet internat. Très inférieure aux Russes, dégénérée au physique comme au moral, elle loge dans de misérables cabanes dont on compte une douzaine dans chaque village, et vit pauvrement des maigres ressources que lui fournit l’agriculture. Les petites filles de l’école de Bielsk vont toutes pieds nus. A cinq verstes de là, existe une école semblable pour les garçons, qui apprennent divers métiers sous la direction d’un prêtre. Les religieuses s’occupent aussi des plus petits. Elles ont six cents personnes dans leur couvent, pensionnaires, maîtresses, vieilles femmes recueillies par pitié. Seules, les élèves orthodoxes sont reçues. On devine combien une pareille règle doit produire de conversions !

Mon interlocutrice ressemble beaucoup, en somme, à une bonne religieuse de chez nous. Elle me dit que les vœux éternels ne sont prononcés qu’après le noviciat ; on peut rester novice toute sa vie.

Les sœurs converses portent le costume national russe, le sarafane, avec cette différence qu’il est noir au lieu d’être de couleur vive, la chemise blanche bouffante, un tablier blanc et un fichu de laine blanche sur la tête. Les religieuses sont reconnaissables au voile noir encadrant absolument le visage, sauf l’étroit bandeau des cheveux, et retombant en pèlerine sur les épaules. L’ordre ne reçoit de l’État qu’une subvention minime, mais on commence à se rendre compte en haut lieu des services qu’il rend, et une succursale va se fonder à Pétersbourg.

Cette religieuse aux beaux yeux noirs, à l’air intelligent, est la seule avec qui j’aie longuement causé, mais j’en ai rencontré beaucoup d’autres dans plusieurs couvens, sans compter les affreuses vieilles importunes et malpropres qui quêtent à genoux pour les frais du culte devant cette petite chapelle de la Vierge d’Ibérie, aux portes toujours ouvertes, où, du matin au soir, va se prosterner tout Moscou. Mais c’est au couvent Voznessensky (de l’Ascension) qu’elles m’apparurent réunies en grand nombre pour l’office du matin. Ce couvent de femmes fondé, sur la place principale du Kremlin, par Eudoxie, veuve du grand-duc Dimitri Donskoï, qui s’y retira en 1389, est un immense