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justice administrative : nous aurions des juges et nous aurions le droit ; et, avec des juges et le droit, nous serions sûrs d’avoir la liberté.

Nous ne supposons pas que, sur ce point encore, il soit besoin d’appuyer : le consentement est en quelque sorte unanime. Des professeurs et des légistes éminens, tels que MM. Bétolaud, Jalabert, Thaller, Saleilles, nous apportaient, à l’une des dernières séances de la Société de législation comparée, le concours de leur autorité, renforcée de celle de M. Devin, de M. Georges Picot et de tant d’autres. Ne nous décourageons donc pas et ne nous lassons pas : l’idée est en marche ; elle sort, comme disent les théologiens, ex visceribus necessitatis, des entrailles mêmes de la nécessité, et ce qu’il y a de plus invincible au monde, cette fatalité qui gouverne gouvernans et gouvernés, la force des choses, travaille à la réaliser lentement, mais irrésistiblement…

Maintenant, faudrait-il, pour créer en France une Cour suprême, réviser la Constitution et réunir les Chambres en Congrès ou convoquer une Constituante ? Les lois constitutionnelles de février et juillet 1875 ne disent rien du pouvoir judiciaire ; la Cour de cassation, les Cours d’appel, les tribunaux de tout ordre et de tout degré existent antérieurement et extérieurement à elles ; et l’on en peut déduire que la Cour suprême que nous préconisons serait créée validement sans elles… Mais, si l’on chicane sur la forme et si l’on veut en faire question, soit ; la question est, de notre part, toute résolue ; et, pour avoir la Cour suprême, nous sommes prêts, par le Congrès ou par une Constituante, à réviser la constitution.


Aussi bien notre cinquième réforme l’exigerait-elle, cette révision de la Constitution. La loi constitutionnelle du 25 février 1875 porte en effet (article 2) :


Le Président de la République est élu à la majorité absolue des suffrages par le Sénat et par la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale.


Elle place ainsi dans le législatif même l’origine de l’exécutif, et elle subordonne ainsi au législatif l’exécutif, auquel elle donne une base trop étroite. Sans aller jusqu’au plébiscite, qui évoque de mauvais souvenirs et provoque d’insurmontables répulsions, jusqu’au plébiscite brut, on peut aller jusqu’au plébiscite filtré : faire élire le Président de la République soit par les Conseils