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de pelisses gris perle, de dolmans et d’habits verts, de tresses jaunes ou blanches, de revers amarante. Audacieux batteurs d’estrade ou meneurs de charges héroïques, ces « durs à cuire » ne montraient pas une contenance plus édifiante que les camarades de l’infanterie de bataille. Évidemment tous ces braves eussent mieux aimé se rendre à la Râpée qu’à Notre-Dame…

Maintenant, des batteries de tambour alternant avec de la musique : la garde des Consuls. Elle portait déjà cet uniforme légendaire que bientôt, garde impériale, elle allait promener à travers les peuples, dans le silence consterné des capitales conquises : — les grenadiers à pied (chef de brigade, Hullin), vieux soldats aux moustaches tombantes, dodelinant en cadence les torsades de leurs bonnets à poil, roides et automatiques sous l’habit bleu à revers blancs, l’épaulette rouge, la guêtre noire formant jambière ; — les chasseurs à pied (chef de brigade, Soulès), même tenue, mais plumets rouges et verts ; — les grenadiers à cheval (chef de brigade, Ordener), des colosses juchés sur d’énormes montures ; — les gendarmes d’élite (chef de légion, Savary) : un régiment de formation récente, soldats dressés aux œuvres de police, superbes d’ailleurs sous l’ourson à visière, la buffleterie jaune, la culotte chamois. Enfin, et précédant les voitures, s’avançaient les chasseurs à cheval, les escadrons des célèbres guides. Le peuple de Paris admirait fort la diaprure voyante de leur costume : le menaçant colbak à chausse pendante, l’habit vert aux aiguillettes jonquille, le gilet-veste et la culotte écarlates, la botte à la hongroise. En tête du régiment, derrière les fanfares habillées de rouge, caracolait, tout galonné, tout soutaché, tout étincelant d’or, un jouvenceau de vingt-deux ans, le citoyen Eugène Beauharnais, et cette figure encore poupine, malgré ses favoris et ses moustaches, formait un amusant contraste avec les trognes ravagées de ses chasseurs… Mais, tandis qu’en un chatoiement de couleurs éclatantes défilait cette garde consulaire, les demi-brigades d’infanterie formant la haie sur son passage, jalousaient et s’enrageaient. « Des clampins de parade ! » grommelait le soldat, et le vieil officier, jadis lecteur de carmagnoles, se disait : « des prétoriens… »

À présent, un autre spectacle : le « gouvernement ; » et d’abord, le Conseil d’État, que suivaient les ministres…

Pour caser à leur aise trente-six conseillers d’État, huit ministres et leurs secrétaires généraux, on avait cherché dans Paris